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Bilan énergétique
de la France pour 2019
janvier 2021

1.3 Des prix du gaz en baisse, sauf dans le résidentiel

1.3.1. Prix de gros du gaz naturel

Le gaz naturel s’échange de gré à gré, en général via des contrats de long terme pouvant s’étendre sur plusieurs dizaines d’années, ou bien sur des marchés organisés, au comptant ou à terme. Moins dense et moins aisément transportable que le pétrole, le gaz naturel nécessite des infrastructures plus coûteuses pour être acheminé des zones de production à celles de consommation. Il s’échange ainsi à des prix reflétant des équilibres régionaux entre offre et demande, qui peuvent fortement diverger d’une zone à l’autre. Au début de la décennie, les écarts de prix entre les principales zones de marché se sont d’ailleurs fortement creusés (figure 1.3.1.1). En effet, l’afflux du gaz de schiste aux États-Unis a tiré les prix à des niveaux particulièrement bas sur les marchés nord-américains, tandis qu’à l’inverse ceux-ci se sont envolés en Asie à la suite de la catastrophe de Fukushima. Les prix du gaz sur les marchés européens se sont maintenus à un niveau intermédiaire durant cette période. La croissance du commerce international de gaz naturel liquéfié (GNL) contribue toutefois à la fluidification des échanges et à la réduction des écarts de prix observés entre les différentes zones de marché.

Le prix du gaz naturel sur le marché des Pays-Bas (Title Transfer Facility, TTF) est l’un des principaux prix de référence pour le marché continental européen. Il s’élève en moyenne à 13,6 €/MWh (en pouvoir calorifique supérieur, PCS) en 2019, en forte baisse par rapport à l’année précédente (- 42 %), où il s’établissait à 22,9 €/MWh. Le prix sur le marché spot de Londres (National Balancing Point, NBP), qui garde une place importante aux côtés du TTF pour les échanges de gaz, connaît une évolution similaire, passant de 23,3 €/MWh à 13,6 €/MWh. Après avoir atteint un point bas en cours d’année 2016, le prix du gaz naturel est remonté en 2017 et au cours des trois premiers trimestres 2018, tiré par les tensions sur le marché de l’électricité et la hausse des cours du charbon, avant de baisser fortement et de manière quasi continue depuis. La conjonction d’une offre plus abondante que prévue, notamment de gaz de schiste aux États-Unis, de la mise en route de nouvelles capacités de production de gaz naturel liquéfié, et d’une demande mondiale en croissance moins forte explique cette chute. À la fin de l’été 2019, le cours du gaz NBP est ainsi passé sous la barre des 10 €/MWh. Bien qu’en légère reprise en fin d’année 2019, le prix du gaz s’est effondré à nouveau au premier semestre 2020, en raison de la pandémie de coronavirus et des confinements de la population mis en en place un peu partout dans le monde. En juin 2020, le cours du gaz NBP s’établit à 5 €/MWh en moyenne, niveau historiquement bas.

Figure 1.3.1.1 : prix spot du gaz naturel à New York, à Londres, aux Pays-Bas, en France et prix GNL importé au Japon

* PCS : pouvoir calorifique supérieur.
Sources : National Balancing Point à un mois ; U.S. Energy Information Administration ; ministère japonais des Finances ; GRTgaz

En France, les échanges se matérialisaient jusqu’en novembre 2018 au niveau de deux points d’échanges de gaz (PEG), rattachés aux deux zones d’équilibrage du réseau de transport (PEG Nord et Trading Region South (TRS)). Depuis, les deux zones ont fusionné en un PEG, commun aux deux gestionnaires de transports GRTgaz et Teréga. La bourse du gaz pour le marché français est gérée par Powernext. En 2019, le prix spot du gaz naturel s’y élève en moyenne à 13,6 €/MWh, évoluant de façon similaire à celui du marché londonien. Les prix à terme, légèrement plus élevés pour les produits à un an, ont suivi des tendances similaires.

Les importations françaises reposent encore, à plus de 80 %, sur des contrats de long terme négociés de gré à gré, principalement avec la Norvège, la Russie et l’Algérie. Bien que les contrats de long terme restent encore très dépendants des cours du pétrole, sur lesquels ils étaient historiquement indexés, les évolutions des prix de marché occupent, depuis la fin des années 2000, une importance de plus en plus grande dans le calcul de leurs tarifs. Après une hausse en 2017 et 2018, les prix auxquels la France a acheté du gaz naturel ont chuté de manière importante en 2019 (- 20 % sur un an), pour atteindre 17 €/MWh en moyenne, dans le sillage des prix de marché du Brent et du gaz. La France réexporte par ailleurs du gaz naturel à des prix similaires (figure 1.3.1.2).

Figure 1.3.1.2 : prix moyen à l’importation et à l’exportation du gaz naturel

En €/MWh PCS*

2015

2016

2017

2018

2019

Importations

22,7

15,8

17,5

21,4

17,1

Exportations

22,4

15,7

17,4

20,6

17,1

* PCS : pouvoir calorifique supérieur.
Source : calculs SDES, d’après GRTgaz, TIGF, les fournisseurs de gaz, DGDDI

Outre le gaz naturel importé, du biométhane est injecté dans le réseau, à des quantités encore faibles mais en forte croissance. Les producteurs de biométhane bénéficient de tarifs d’achat régulés, qui dépendent des caractéristiques de leurs installations et dont la logique est de couvrir leurs coûts. Le tarif d’achat moyen s’élève à 103 €/MWh en 2019 (figure 1.3.1.3).

Figure 1.3.1.3 : tarif d’achat moyen du biométhane injecté dans le réseau

En €/MWh PCS*

2015

2016

2017

2018

2019

Tarif d'achat

108,2

101,7

99,5

102,2

103,3

* PCS : pouvoir calorifique supérieur.
Source : CRE

1.3.2 Prix à la consommation du gaz naturel

En 2019, le gaz a été payé en moyenne 39,3 €/MWh (en pouvoir calorifique supérieur) hors TVA, tous consommateurs et tous types d’offres (tarifs réglementés ou offres de marché) confondus. En incluant la TVA pour le résidentiel uniquement, ce prix moyen tous secteurs confondus atteint 42,7 €/MWh, en baisse de 3,7 % par rapport à 2018. Au plus haut en 2013, ce prix moyen avait décliné ensuite avant de fortement rebondir en 2018. Ces évolutions peuvent être analysées en décomposant le prix en la somme de quatre termes : la composante « approvisionnement » (coût de la molécule de gaz), la composante « infrastructure » (coût de l’accès aux terminaux méthaniers, du transport, du stockage et de la distribution) - (cf. 3.2), les taxes nettes des subventions et les marges de commerce (incluant un écart statistique) - (figure 1.3.2.1).

Figure 1.3.2.1 : décomposition du prix moyen du gaz naturel

* PCS : pouvoir calorifique supérieur.
Note : la TVA est incluse pour le résidentiel uniquement, car elle est déductible pour les entreprises.
Source : calculs SDES

Le coût d’approvisionnement, essentiellement lié au prix des importations, baisse fortement en 2019, à 17,5 €/MWh, contre 21,8 €/MWh en 2018. Cette diminution est toutefois compensée en grande partie par le rebond des marges (3,1 €/MWh en 2019, contre 0,7 €/MWh en 2018), ce qui s’explique probablement par des délais dans la répercussion du coût d’approvisionnement dans les prix de détail. Par ailleurs, il convient de considérer avec précaution cette estimation des marges de commerce, dans la mesure où elle inclut par construction un écart statistique. En effet, les marges sont calculées en retranchant les autres postes de coûts identifiables à la valeur monétaire de la consommation. Or, ces grandeurs sont estimées de manière indépendante et avec une certaine incertitude statistique, rendant fragile l’estimation de leur solde.

Le coût relatif à l’utilisation des infrastructures, lié en grande partie aux décisions tarifaires de la Commission de régulation de l’énergie, reste stable en 2019, à 13,2 €/MWh, après avoir augmenté de 8 % en 2018. Ce coût est imputable en 2019 à hauteur de 54 % à la distribution, 28 % au transport, 11 % au stockage et 7 % aux terminaux méthaniers.

Les taxes hors TVA représentent en moyenne 5,8 €/MWh en 2019, dont 5,0 €/MWh pour la taxe intérieure sur la consommation de gaz naturel (TICGN) et 0,8 €/MWh pour la contribution tarifaire d’acheminement (CTA). La TICGN a fortement augmenté entre 2014 et 2018 ; elle ne représentait jusqu’en 2013 que 0,5 €/MWh en moyenne. Cette hausse sur la période s’explique, d’une part, par la suppression de l’exonération dont bénéficiaient les ménages et, d’autre part, par la montée en charge de la composante carbone désormais intégrée aux accises énergétiques. La TICGN est en revanche restée stable en 2019 et en 2020.

Les subventions s’élèvent à 0,2 €/MWh en 2019 et sont exclusivement liées aux subventions au biométhane. En effet, le tarif spécial de solidarité gaz dont bénéficiaient des ménages en situation de précarité a été remplacé début 2018 par le chèque énergie, qui n’est pas uniquement ciblé sur le gaz, pouvant être utilisé pour tout type de facture d’énergie du logement ou pour des travaux de rénovation énergétique.

Les prix du gaz sont hétérogènes entre catégories de clients. En général, ils décroissent avec le volume de gaz livré, en raison notamment d’effets d’échelle dans la commercialisation et la gestion du réseau ainsi que d’une fiscalité favorable aux gros consommateurs (figure 1.3.2.2). En 2019, le prix moyen hors TVA s’élève ainsi à 66,9 €/MWh dans le secteur résidentiel, contre 40,8 €/MWh dans le tertiaire, 24,4 €/MWh dans l’industrie et 21,3 €/MWh dans la branche énergie. Le prix moyen dans l’industrie masque lui-même une forte hétérogénéité. Les branches industrielles qui ont peu recours au gaz payent des prix proches de ceux du tertiaire, tandis que les plus gros consommateurs bénéficient de prix sensiblement inférieurs.

Le prix du gaz connaît des évolutions contrastées entre secteurs en 2019. Il augmente pour les ménages (+ 7,1 %). Cette hausse semble toutefois en grande partie liée à un décalage temporel entre les consommations et les facturations. En effet, une partie de la forte hausse des tarifs de la fin de l’année 2018 n’a été facturée aux consommateurs qu’au début de l’année 2019. Le prix du gaz diminue en revanche en 2019 pour les entreprises, notamment pour les gros consommateurs. Les prix finaux sont en effet généralement d’autant plus sensibles aux prix de gros que les clients consomment des volumes élevés. Le prix du gaz baisse ainsi en moyenne de 3,3 % dans le tertiaire et de 11,9 % dans l’industrie.

Figure 1.3.2.2 : prix moyens du gaz naturel par secteur

En €/MWh PCS*

2011

2012

2013

2014

2015

2016

2017

2018

2019

Branche énergie

26,7

27,0

30,5

26,2

23,6

19,0

18,9

27,1

21,3

Production d'électricité ou chaleur

26,4

26,9

30,3

26,2

23,5

18,9

18,8

27,4

21,7

Branche énergie hors transformation

29,8

28,3

31,9

26,4

24,1

19,8

19,7

24,1

15,8

Consommation finale à usage énergétique HTVA

39,8

44,3

46,0

44,5

43,7

40,5

40,5

44,7

45,1

Agriculture-pêche

39,2

42,8

43,8

44,4

42,1

37,5

36,0

36,9

36,4

Industrie

27,8

30,4

32,0

30,4

29,6

25,8

25,6

27,7

24,4

Tertiaire et transports

39,0

42,8

44,0

42,7

40,3

38,0

37,3

42,2

40,8

Résidentiel HTVA

49,4

54,6

56,9

59,3

58,9

54,8

55,7

62,6

66,9

Résidentiel TTC

58,1

64,1

67,1

69,9

69,3

64,2

65,4

72,8

78,0

Consommation finale à usage non énergétique

27,4

27,2

31,1

25,9

23,0

19,8

19,4

24,1

15,8

Tous secteurs hors TVA

36,5

40,6

43,0

41,5

40,2

35,9

35,7

41,0

39,3

Tous secteurs avec TVA**

39,4

44,0

46,8

45,1

43,7

39,0

38,8

44,3

42,7

* PCS : pouvoir calorifique supérieur.
** La TVA est incluse pour le résidentiel uniquement, car elle est déductible par les entreprises.
Source : calculs SDES