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Bilan énergétique
de la France pour 2020
janvier 2022

2.1 Le taux d’indépendance énergétique augmente, en raison de la chute de la demande intérieure

La production d’énergie primaire diminue de 8,5 % par rapport à 2019, pour s’établir à 1 428 TWh en France (figure 2.1.1). Cette baisse inédite depuis au moins cinquante ans est imputable à la production nucléaire (- 11,3 %, à 1 072 TWh). La crise sanitaire a engendré une chute de la demande d’électricité et une moindre sollicitation des centrales nucléaires. Du côté de l’offre, les mesures de confinement, en particulier au printemps, se sont traduites par un allongement des délais de maintenance de certains réacteurs et, en conséquence, une moindre disponibilité du parc. À cela s’ajoute la fermeture de la centrale de Fessenheim au cours de l’année 2020, qui a réduit la capacité totale du parc. La production nucléaire, qui représente les trois quarts de la production primaire totale, tombe à un niveau qui n’avait plus été observé depuis la fin des années 1990. À l’inverse, la production primaire d’énergie renouvelable électrique augmente nettement par rapport à 2019 (+ 12,3 %, à 117 TWh). Les précipitations plus abondantes que l’année précédente ont favorisé le rebond de la production hydraulique (+ 11,8 %, à 64 TWh). La hausse soutenue de la production éolienne (+ 14,4 %, à 40 TWh) s’explique par la hausse des capacités installées et des conditions de vent très favorables en 2020. La production photovoltaïque est également dynamique (+ 9,6 %, à 13 TWh en 2020), du fait de la croissance des panneaux installés. Les énergies renouvelables thermiques et les déchets pèsent environ deux fois plus dans la production primaire que les énergies renouvelables électriques (229 TWh en 2020). En 2020, la production de ces énergies diminue de 2,7 %. La production de biomasse solide – en majeure partie du bois de chauffage, sa principale composante – baisse de 5,0 % et la production de biocarburants se replie de 6,9 %.

Les énergies renouvelables (électriques et thermiques) et la valorisation des déchets occupent une part plus élevée dans la production primaire en 2020 qu’en 2019. Au-delà des effets de recomposition des modes de production liés à la crise sanitaire, les énergies renouvelables se développent, grâce notamment à la forte croissance, depuis 2015, des biocarburants, de l’éolien et des pompes à chaleur.

Enfin, la production primaire d’énergie fossile est désormais marginale. Composée essentiellement de pétrole brut extrait des bassins aquitain et parisien, elle s’élève à 10 TWh en 2020 et diminue nettement (- 15,2 %).

Figure 2.1.1 : production primaire d’énergie

* Y compris énergies marines.
Source : calculs SDES

En 2020, la consommation primaire d’énergie en France, affectée par les mesures sanitaires, se replie (- 9,8 %) davantage que la consommation primaire mondiale (- 4 % selon les premières estimations de l’AIE). La contraction de la consommation, plus forte que celle de la production primaire, entraîne un recours bien moindre aux importations pour satisfaire la demande. Le taux d’indépendance énergétique de la France, rapport entre la production et la consommation nationale d’énergie primaire gagne ainsi 0,8 point et s’élève à 55,5 % en 2020 (figure 2.1.2). Il est sensiblement plus élevé en France que chez la plupart de ses voisins européens, en raison du recours particulièrement important à l’énergie nucléaire, considérée comme domestique par convention statistique internationale (voir encadré).

Le solde importateur des échanges physiques d’énergie diminue de 17,0 % et s’établit à 1 162 TWh. Les achats de pétrole brut chutent de 31,7 % en raison du repli de l’activité de raffinage, plus marqué encore que celui de la demande intérieure de produits pétroliers (cf. 4.2). En conséquence, les exportations de pétrole raffiné diminuent fortement (- 24,2 %) alors que les importations de produits raffinés baissent relativement peu (- 3,0 %). Les importations de gaz naturel se replient de 15,6 % comme les exportations. Les importations de charbon chutent davantage (- 30,1 %), du fait de la très forte contraction en 2020 de l’activité de l’industrie lourde, et notamment de la sidérurgie. Les importations nettes de biocarburants, essentiellement du biodiesel, représentent 6,8 TWh. Ils accusent une forte baisse par rapport à 2019. À rebours des autres énergies, le bois-énergie connaît une augmentation de son solde importateur (0,7 TWh), en lien avec la baisse de sa production. Le recul de la production nucléaire se répercute sur les échanges physiques d’électricité. Le solde exportateur diminue de 7,8 %, pour s’établir à 4,5 TWh.

Figure 2.1.2 : taux d’indépendance énergétique, production et consommation primaires

Source : calculs SDES

En 2020, la facture énergétique de la France se contracte de 45 % en euros constants par rapport à 2019 : elle diminue de 20 Md€2020 (figure 2.1.3), pour s’établir à 24,8 milliards d’euros. Elle ne contribue que pour moitié au déficit des échanges extérieurs de la France, contrairement aux années précédentes où la facture énergétique excédait largement le déficit extérieur (y compris les échanges de services). Cette réduction, inédite depuis 2009, s’explique d’abord par la forte réduction de l’activité de raffinage, débouché quasi exclusif des importations de pétrole brut. En outre, le prix du pétrole importé recule fortement en 2020 dans un contexte de chute du prix du baril de Brent. Très sensible aux mesures drastiques prises par les différents pays pour enrayer l’épidémie, celui-ci a plongé au printemps 2020 et a diminué à nouveau à l’automne après s’être légèrement redressé à l’été.

La facture en produits raffinés et biocarburants s’allège nettement moins (- 4,0 Md€2020). Elle dépasse même – fait inédit depuis au moins cinquante ans – la facture en pétrole brut en 2020. La baisse conséquente des prix de ces produits est en effet partiellement contrebalancée par la dégradation du solde des échanges physiques en produits raffinés. La facture gazière de la France est réduite de 3,7 Md€2020 et s’élève à 5,1 Md€ en 2020. Ce repli trouve son origine d’abord dans la baisse du prix du gaz, à laquelle s’ajoute la diminution des quantités importées. Le cours du gaz (sur lesquels sont partiellement indexés les contrats à terme) a en effet fortement décru, les prix TTF aux Pays-Bas et spot NBP à Londres baissant de 31 % en moyenne entre 2019 et 2020. Le charbon contribue également à la réduction de la facture énergétique, à hauteur de 0,8 Md€2020, en raison de la chute de la quantité importée et de la baisse des prix. Le solde exportateur d’électricité baisse de 0,9 Md€2020, pour s’établir à 1,2 Md€2020. Deux effets d’égale intensité expliquent cette diminution : d’une part, les échanges physiques d’électricité se replient, en lien avec la diminution de la production ; d’autre part, les prix à l’exportation diminuent davantage que les prix à l’importation.

Figure 2.1.3 : facture énergétique de la France

En milliards d’euros 2020

2016

2017

2018

2019

2020

Facture énergétique

33,3

40,9

47,4

44,9

24,8

Pétrole brut

17,5

22,0

25,3

21,7

9,7

Pétrole raffiné

6,9

8,3

11,2

13,9

9,8

Gaz naturel

8,2

8,9

11,1

8,8

5,1

Charbon

1,2

2,2

2,0

1,7

0,9

Biocarburants

0,6

0,8

0,7

0,8

0,4

Bois-énergie

0,0

0,0

0,0

0,1

0,1

Électricité

- 1,1

- 1,4

- 3,0

- 2,1

- 1,2

Source : calculs SDES, d’après DGDDI, CRE, enquête auprès de raffineurs

Le taux d’indépendance énergétique est sensible aux règles de comptabilité de l’énergie nucléaire

L’énergie primaire correspond à l’énergie tirée directement de la nature, ou contenue dans les produits énergétiques tirés de la nature. Elle se distingue de l’énergie secondaire, obtenue à partir d’une énergie primaire ou d’une autre énergie secondaire. Ainsi, par exemple, l’électricité thermique est une énergie secondaire issue d’un combustible naturel comme le charbon ou le gaz naturel, considéré comme énergie primaire. Dans le cas de l’énergie nucléaire, issue de la réaction de fission de l’uranium ou du plutonium, les conventions internationales sur les statistiques de l’énergie considèrent comme énergie primaire la chaleur issue de la réaction et non le combustible nucléaire lui-même. Cela a pour conséquence de comptabiliser comme production primaire (i.e. comme ressource nationale) la quantité de chaleur produite par les centrales nucléaires (qui est estimée à partir de l’électricité effectivement produite par celles-ci et d’un rendement théorique de 33 %), indépendamment du fait que le combustible nucléaire soit importé ou non. Le manuel sur les statistiques de l’énergie coédité par l’Agence internationale de l’énergie et par Eurostat souligne que, si l’origine du combustible nucléaire était prise en considération, « la dépendance de l’approvisionnement à l’égard d’autres pays serait accrue ». Dans le cas de la France, qui a recours intégralement à des combustibles importés (utilisés directement ou après recyclage), le taux d’indépendance énergétique perdrait 40 points de pourcentage, pour s’établir à 14 % en 2020, si l’on considérait comme énergie primaire le combustible nucléaire plutôt que la chaleur issue de sa réaction.