1.7 Hausse du prix de l’électricité, en particulier pour les entreprises
1.7.1 prix de gros de l’électricité
L’électricité peut s’échanger de gré à gré ou sur des bourses. European Power Exchange (Epex) Spot est la bourse du marché spot français. Les produits à terme peuvent, quant à eux, s’échanger sur la bourse European Energy Exchange (EEX) Power Derivatives. Le prix spot de l’électricité livrable en France atteint 108,7 euros en moyenne en 2021, un niveau largement supérieur à celui observé durant les dix dernières années (figure 1.7.1.1). Après avoir chuté au printemps 2020, le prix de l’électricité augmente fortement en 2021 dans le sillage du prix du gaz et du prix du carbone. La forte croissance du prix du gaz naturel, notamment en fin d’année 2021, renchérit en effet la production des centrales électriques au gaz, qui sont sollicitées pour absorber le surplus de demande. En outre, la forte demande engendrée par la reprise économique et, d’autre part, l’indisponibilité de nombreux réacteurs nucléaires, liée à des retards dans les maintenances programmées à la suite de la crise sanitaire et à la détection d’anomalies après des contrôles à l’automne 2021, tirent les prix de l’électricité à la hausse. Le prix spot a ainsi atteint 275 €/MWh en décembre 2021, soit plus de trois fois plus que son point le plus haut sur la dernière décennie (cf. 1.3.1). En 2022, les prix de gros de l’électricité demeurent très élevés et atteignent même de nouveaux sommets à l’été (près de 500 €/MWh en août). Les prix à terme de l’électricité, qui reflètent les anticipations des acteurs du secteur, ont également augmenté entre 2020 et 2021. Le prix à terme pour l’année suivante (« Y+1 ») de l’électricité en base est ainsi passé de 45 €/MWh en 2020 à 94 €/MWh en 2021 en moyenne.
Figure 1.7.1.1 : prix Baseload moyen mensuel sur le marché European Power Exchange (Epex) Spot France
Source : Epex Spot
La France exporte l’électricité à un prix en moyenne moins élevé que celui auquel elle l’importe. En 2021, ceux-ci s’élèvent respectivement à 89 €/MWh et 144 €/MWh (figure 1.7.1.2). Outre le fait que le prix à l’importation peut comprendre un coût d’interconnexion (correspondant à une rémunération des gestionnaires de transport de part et d’autre de la frontière), cela s’explique par le fait que la France, où le chauffage électrique est particulièrement développé, a tendance à importer en hiver durant les périodes de forte consommation (matinée et début de soirée), lorsque l’électricité est la plus chère, et à exporter la nuit et en été, lorsqu’elle est moins onéreuse. Les prix de l’électricité importée et exportée progressent très nettement par rapport à 2019 (ils sont respectivement multipliés par 3,1 et 2,4), quasiment autant que les prix de gros sur le marché Epex Spot.
Figure 1.7.1.2 : prix moyens de l’électricité à l’importation et à l’exportation
En €/MWh
2017 |
2018 |
2019 |
2020 |
2021 |
|
Exportations |
41 |
48 |
38 |
30 |
89 |
Importations |
57 |
59 |
47 |
39 |
144 |
Source : SDES, Bilan de l’énergie, d’après DGDDI
En dehors des marchés de gros et des transactions de gré à gré, certaines productions d’électricité sont vendues à des prix régulés à des fournisseurs ou des intermédiaires. D’une part, certaines filières, que l’État souhaite développer, bénéficient d’obligations d’achat leur garantissant un tarif défini sur une période de 10 à 20 ans ou de compléments de rémunération. Ces soutiens, établis dans une logique de couverture de coûts, sont très différenciés selon les filières (figure 1.7.1.3). La production photovoltaïque bénéficie de la rémunération moyenne la plus élevée en 2021, à 239 €/MWh. Celle-ci diminue toutefois sous l’effet de l’afflux de nouvelles installations raccordées, qui bénéficient d’aides moins substantielles qu’au démarrage de la filière. Ce moindre soutien reflète la baisse des coûts des installations. À l’opposé, les rémunérations les plus basses concernent la filière d’incinération des déchets ménagers, suivie par la petite hydraulique (les grandes installations hydrauliques ne bénéficiant pas de soutien public) et l’éolien.
Figure 1.7.1.3 : rémunérations moyennes des installations en activité bénéficiant d’obligations d’achat ou de compléments de rémunération
En €/MWh
2017 |
2018 |
2019 |
2020 |
2021 |
|
Photovoltaïque |
333 |
300 |
293 |
274 |
239 |
Éolien |
88 |
89 |
90 |
91 |
81 |
Hydraulique |
78 |
77 |
83 |
82 |
79 |
Biogaz |
148 |
154 |
163 |
170 |
167 |
Incinération |
57 |
58 |
60 |
60 |
59 |
Biomasse |
139 |
139 |
145 |
148 |
137 |
Toutes installations |
149 |
145 |
147 |
140 |
146 |
Note : pour les installations sous obligation d’achat, la rémunération est égale au tarif d’achat. Pour celles bénéficiant d’un complément de rémunération, elle est égale à la somme de ce complément (positif ou négatif) et du prix de gros moyen de l’électricité produite pour les installations. Elle est calculée sur l’ensemble du territoire français pour les filières photovoltaïque, éolienne et hydraulique, et sur la France continentale pour les autres filières.
Source : SDES, Bilan de l’énergie, d’après EAPE, CRE
D’autre part, dans le but de permettre une concurrence équitable entre fournisseur historique et fournisseurs alternatifs, ces derniers bénéficient depuis juillet 2011 de la possibilité d’acquérir une partie de la production nucléaire d’EDF à un prix régulé dans le cadre du mécanisme de « l’accès régulé à l’électricité nucléaire historique » (Arenh). Ce prix, fixé à l’origine à 40 €/MWh, est passé à 42 €/MWh en janvier 2012. En 2022, le prix a été temporairement relevé à 46,20 €/MWh uniquement pour le volume supplémentaire exceptionnel de 20 TWh.
1.7.2 prix à la consommation de l’électricité
En 2021, l’électricité est payée en moyenne 140 €/MWh, tous consommateurs (à l’exception de la branche électricité) et tous type d’offres (tarifs réglementés ou offres de marché) confondus, en hausse de 4 % par rapport à 2020. Ce prix inclut la TVA pour les ménages mais pas pour les autres acteurs.
Le prix comprend une composante « fourniture », une composante « acheminement » et les taxes (figure 1.7.2.1).
Figure 1.7.2.1 : décomposition du prix moyen de l’électricité
Note : la branche électricité et l’autoconsommation sont exclues du champ. La composante acheminement inclut le coût des pertes sur les réseaux de transport et de distribution. La TVA n’est comptabilisée que pour le résidentiel, étant déductible pour les entreprises.
Source : SDES, Bilan de l’énergie
La composante « fourniture » correspond aux coûts de l’activité de fourniture, soit la somme des coûts d’approvisionnement en électricité et en garanties de capacité, des coûts de commercialisation (incluant les certificats d’énergie) et de la rémunération du fournisseur (marge). Elle s’élève en moyenne en 2021 à 66 €/MWh. C’est la composante qui augmente le plus en 2021 (+ 8 %) dans un contexte de forte hausse globale des prix à terme de l’électricité sur le marché de gros. Les prix de la fourniture d’électricité 2020 et 2021 figurent parmi les plus hauts sur ces dix dernières années.
La composante « acheminement » correspond au tarif d’utilisation des réseaux publics d’électricité (Turpe). Ce tarif s’applique à tous les utilisateurs raccordés aux réseaux de transport et de distribution en haute et basse tension, quel que soit leur fournisseur d’énergie. Il vise à couvrir les coûts des activités de RTE et des distributeurs (Enedis, …) : les charges du système électriques (dont les pertes réseau) mais aussi les coûts de développement, d’exploitation et d’adaptation à la transition énergétique des réseaux de transport et de distribution. Le barème du Turpe est réglementé et fixé par la Commission de régulation de l’énergie. Le Turpe s’élève à 37 €/MWh en moyenne en 2021 et augmente de 2,7 % par rapport à 2020, à un rythme supérieur à celui observé ces dix dernières années (+ 1,9 % en moyenne annuelle). Au 1er août 2021, le Turpe a augmenté pour permettre de couvrir les coûts supplémentaires liés au développement du réseau. En effet, il s’agit de répondre aux objectifs de la loi Énergie Climat en faveur de la transition énergétique visant à l’augmentation des énergies renouvelables dans le mix électrique, ces dernières étant plus décentralisées que la production historique. Il prend aussi en compte le développement de la mobilité électrique et donc une anticipation de demandes accrues de raccordement d’installations de recharge.
Les taxes comprennent, outre la TVA, la taxe intérieure sur la consommation finale d’électricité (TICFE), qui est fusionnée depuis 2016 avec la contribution au service public de l’électricité (CSPE), les taxes locales sur la consommation finale d’électricité (TLCFE) et la contribution tarifaire d’acheminement (CTA). Hors TVA, elles représentent en moyenne 26 €/MWh en 2021 et évoluent peu depuis 2016, après avoir quasiment doublé entre 2011 et 2016. Cette évolution s’explique essentiellement par celle de la TICFE, dont le taux normal avait augmenté de 3 €/MWh par an de 2012 à 2016. Il est resté inchangé depuis, à 22,5 €/MWh. Compte tenu des exonérations dont bénéficient certaines entreprises électro-intensives, le taux moyen de cette taxe s’établit à 17 €/MWh en 2021. En incluant la TVA (pour le secteur résidentiel uniquement), les taxes s’élèvent, au total, à 37 €/MWh en 2021.
Figure 1.7.2.2 : prix moyen de l’électricité par secteur
En €/MWh
2011 |
2012 |
2013 |
2014 |
2015 |
2016 |
2017 |
2018 |
2019 |
2020 |
2021 |
|
Énergie (hors électricité) |
72 |
74 |
76 |
77 |
78 |
71 |
69 |
74 |
80 |
86 |
96 |
Consommation finale TTC* |
100 |
104 |
110 |
114 |
119 |
116 |
117 |
120 |
126 |
135 |
141 |
Agriculture-pêche |
90 |
90 |
92 |
105 |
109 |
112 |
114 |
122 |
128 |
133 |
138 |
Industrie |
66 |
68 |
71 |
72 |
72 |
66 |
64 |
67 |
71 |
74 |
83 |
Transports |
54 |
55 |
54 |
54 |
54 |
49 |
47 |
52 |
53 |
66 |
71 |
Tertiaire |
95 |
97 |
103 |
108 |
112 |
105 |
107 |
108 |
115 |
120 |
126 |
Résidentiel HTVA |
114 |
118 |
125 |
133 |
138 |
140 |
141 |
146 |
152 |
161 |
165 |
Résidentiel TTC |
134 |
138 |
147 |
157 |
162 |
165 |
166 |
171 |
178 |
189 |
193 |
Tous secteurs HTVA |
92 |
96 |
101 |
105 |
109 |
106 |
107 |
110 |
115 |
123 |
129 |
Tous secteurs TTC* |
99 |
103 |
109 |
114 |
118 |
115 |
116 |
119 |
125 |
134 |
140 |
* La TVA est incluse uniquement pour le secteur résidentiel, étant déductible par les entreprises.
Note : la branche électricité et l’autoconsommation sont exclues du champ.
Source : SDES, Bilan de l’énergie
Les prix de l’électricité sont très hétérogènes entre types de clients. En général, ils décroissent avec le volume d’électricité livré, en raison notamment d’effets d’échelle dans la commercialisation et l’exploitation des réseaux ainsi que d’une fiscalité favorable aux gros consommateurs et aux électro-intensifs (figure 1.7.2.2). Le profil de consommation joue aussi, les clients résidentiels consommant davantage en période de pointe, lorsque les prix de gros sont les plus élevés, pour satisfaire leurs besoins de chauffage. En 2021, le prix moyen hors TVA s’élève ainsi à 165 €/MWh dans le secteur résidentiel, contre 138 €/MWh dans l’agriculture, 126 €/MWh dans le tertiaire, 96 €/MWh dans le secteur de l’énergie (hors branche électricité elle-même), 83 €/MWh dans l’industrie et 71 €/MWh dans les transports.
Le prix TTC de l’électricité augmente de 2,3 % dans le secteur résidentiel en 2021 (voir Datalab essentiel Prix de l’électricité en France et dans l’Union européenne en 2021, octobre 2022). Cette augmentation est inférieure au rythme d’augmentation moyen de ces dix dernières années (3,7 %). Parmi les entreprises, les plus gros consommateurs, plus sensibles aux prix de marché de gros, ont connu une augmentation de leur prix supérieure aux autres acteurs. Par exemple, les entreprises consommant plus de 70 GWh par an ont vu leur prix augmenter de 27 % entre 2020 et 2021, contre 4 % pour les autres acteurs non résidentiels. Ainsi, dans l’industrie, secteur dans lequel se trouvent les plus gros consommateurs, le prix moyen augmente plus fortement en 2021 (+ 12 %). L’évolution des prix dans le secteur tertiaire et dans l’agriculture est proche de la moyenne (respectivement 4,1 % et 4,4 %).