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Bilan énergétique
de la France pour 2022
mai 2024

2.1 Le taux d'indépendance énergétique diminue en raison de la baisse de la production primaire

La production d'énergie primaire s'élève à 1 254 TWh en France entière en 2022 (cf. méthodologie), en diminution de 17,7 % par rapport à 2021 et de 12,2 % par rapport à 2020, année où la production avait pourtant été très affectée par la crise sanitaire (figure 2.1.1). Sa baisse est essentiellement imputable à la chute de la production nucléaire qui représente 71 % de la production primaire (- 22,3 % en 2022, à 893 TWh). La disponibilité du parc nucléaire est historiquement faible en 2022 à la suite de la détection en fin d'année 2021 de défauts sur les circuits de refroidissement (corrosion sous contrainte) de la centrale de Civaux, qui a conduit à l'arrêt prolongé de nombreux réacteurs pour contrôle et réparation. La production nucléaire tombe ainsi en 2022 à son plus faible niveau depuis 1988.

La production primaire d'électricité renouvelable diminue aussi (- 7,9 %, à 104 TWh) du fait de conditions météorologiques moins favorables. La sécheresse entraîne en effet un repli marqué de la production d'électricité hydraulique et marine (- 23,6 %) qui atteint un point bas inédit depuis 1976 (46 TWh). Le dynamisme de la filière photovoltaïque (+ 27,8 %), portée par un fort ensoleillement et le développement des installations, ne suffit pas à compenser la baisse de la production hydraulique, qui représente 44 % de la production d'énergies renouvelables électriques en 2022 contre 20 % pour le photovoltaïque. La production éolienne progresse de 2,4 % en 2022 en raison du développement du parc, avec notamment la mise en service du premier parc éolien en mer au large de Saint-Nazaire.

La production primaire d'énergies renouvelables thermiques et issues de la valorisation des déchets diminue également (- 1,7 %), pour atteindre 248 TWh. Cette baisse s'explique d'abord par le recul de la biomasse solide (- 6,2 %, à 118 TWh), composée essentiellement de bois-énergie (104 TWh). Étant dédiée quasi exclusivement au chauffage, la biomasse solide est moins consommée et produite lorsque l'hiver est doux. Pour cette même raison, la production des pompes à chaleur diminue légèrement (- 0,8 %, à 45 TWh) en dépit de la hausse toujours vive des équipements. La production de biocarburants continue de reculer (- 2,6 %, à 22 TWh). Elle est tirée à la baisse par le biodiesel. À l'inverse, la production de biogaz (+ 19,2 %, à 19 TWh) demeure dynamique mais ralentit.

La production primaire d'énergie fossile, pétrole brut extrait des bassins aquitain et parisien pour l'essentiel, est marginale (10 TWh).

Figure 2.1.1 : production primaire d'énergie

* Y compris énergies marines.
Source : SDES, Bilan de l'énergie

La production primaire diminuant moins vite que la consommation primaire, le taux d'indépendance énergétique de la France, rapport de ces deux grandeurs, perd 4,6 points pour s'établir à 50,6 % (figure 2.1.2). L'approvisionnement pour satisfaire la demande d'énergie repose davantage en 2022 qu'en 2021 sur les importations, hors uranium, l'énergie nucléaire étant produite sur le territoire par convention statistique internationale (cf. encadrés).

Figure 2.1.2 : taux d'indépendance énergétique, production et consommation primaires

Source : SDES, Bilan de l'énergie

Le déficit des échanges physiques d'énergie, à 1 334 TWh, s'accroît en effet de 7,0 % en 2022. Pour la première fois depuis 1980, la France est importatrice nette d'électricité (15 TWh contre - 45 TWh en 2021). Les achats de pétrole brut augmentent (+ 20,7 %, à 488 TWh) tandis que les importations nettes de produits raffinés diminuent (- 17,3 %, à 319 TWh). En raison des anticipations d'un embargo sur le pétrole russe, intervenu pour le pétrole brut en décembre 2022, la part de la Russie dans les importations de pétrole diminue : elle fournit en 2022 16,3 % des quantités importées de pétrole raffiné (18,9 % en 2021) et 5,2 % du pétrole brut (8,9 % en 2021 et plus de 12 % avant 2020). Les importations nettes de biocarburants, essentiellement du biodiesel, s'élèvent à 17 TWh (+ 18,5 %). Le déficit des échanges extérieurs de bois à des fins énergétiques reste marginal (2 TWh) par rapport à sa consommation.

Les entrées nettes de gaz naturel sur le territoire progressent (+ 1,8 %, à 421 TWh) malgré la diminution de la consommation, pour reconstituer et maintenir les stocks à un haut niveau en prévision de l'hiver 2023. La chute des approvisionnements en gaz gazeux russe à l'été entraîne une forte hausse des importations de gaz liquéfié (+ 103 %) et des exportations de gaz regazéifié (+ 176 %) vers les pays voisins, avec des flux inhabituels de l'ouest et du sud de l'Europe vers l'est et le nord. L'origine du gaz importé s'est notablement modifiée, les importations de GNL en provenance des États-Unis et du Qatar ayant notamment été multipliées par 5 en 2022. On estime ainsi qu'en 2022 la Norvège et les États-Unis ont fourni à eux deux un peu plus de la moitié des importations, suivis par la Russie (un sixième environ), 9 % des origines restant toutefois inconnues.

La facture énergétique de la France s'élève à 117,4 milliards d'euros en 2022 (Md€), un niveau jamais enregistré depuis le début des années 70 (figure 2.1.3). Elle est multipliée par plus de 2,5 par rapport à 2021 (+ 71,0 Md€2022). Cette forte hausse trouve principalement son origine dans le renchérissement des énergies fossiles engendré par les tensions géopolitiques à la suite de l'invasion de l'Ukraine par la Russie. Le prix du gaz naturel, très volatil tout au long de l'année 2022, atteint notamment un niveau record en août. Le prix à l'importation du gaz naturel a quasiment triplé en moyenne entre 2021 et 2022 et tire la facture gazière à la hausse. Celle-ci passe de 15,1 Md€2022 en 2021 à 47,6 Md€ en 2022. Son augmentation est la première cause de l'alourdissement de la facture énergétique.

La facture pétrolière et en biocarburants, qui pèse pour la moitié de la facture énergétique totale en 2022, augmente de 79 % en 2022. Le prix du pétrole brut payé par la France augmente de 65 % sur un an selon les données des échanges extérieurs. Les dépenses nettes en pétrole brut s'accroissent de 15,4 Md€2022, pour s'établir à 31,4 Md€, alors que la facture en produits raffinés et biocarburants s'alourdit de 10,9 Md€2022, à 27,4 Md€. Le charbon contribue également à la hausse de la facture énergétique, à hauteur de 1,9 Md€2022.

La hausse du prix de l'électricité, conjuguée à un déficit inhabituel des échanges électriques, notamment à l'été 2022, vient également renforcer la détérioration de la balance commerciale (+ 10,2 Md€2022). Le prix spot de l'électricité, déjà très élevé en 2021, a été multiplié en moyenne par 2,6 en 2022.

Figure 2.1.3 : facture énergétique de la France

En milliards d'euros 2022

2018

2019

2020

2021

2022

Facture énergétique

49,7

47,0

25,8

46,5

117,4

Pétrole brut

26,5

22,7

10,1

16,1

31,4

Pétrole raffiné

11,8

14,5

10,1

15,3

24,7

Gaz naturel

11,6

9,3

5,4

15,1

47,6

Charbon

2,1

1,8

0,9

1,4

3,3

Biocarburants

0,7

0,8

0,4

1,3

2,8

Bois-énergie

0,0

0,1

0,1

0,1

0,2

Électricité

- 3,1

- 2,2

- 1,2

- 2,8

7,4

Source : SDES, Bilan de l'énergie, d'après DGDDI, CRE, enquête auprès de raffineurs

Le taux d'indépendance énergétique est sensible aux règles de comptabilité

L'énergie primaire correspond à l'énergie tirée directement de la nature ou contenue dans les produits énergétiques tirés de la nature. Elle se distingue de l'énergie secondaire, obtenue à partir d'une énergie primaire ou d'une autre énergie secondaire. Ainsi, par exemple, l'électricité thermique est une énergie secondaire issue d'un combustible naturel, comme le charbon ou le gaz naturel, considéré comme énergie primaire.

Dans le cas de l'énergie nucléaire, issue de la réaction de fission de l'uranium ou du plutonium, les conventions internationales sur les statistiques de l'énergie considèrent comme énergie primaire la chaleur issue de la réaction et non le combustible nucléaire lui-même. Cela a pour conséquence de comptabiliser comme production primaire (i.e. comme ressource nationale) la quantité de chaleur produite par les centrales nucléaires (qui est estimée à partir de l'électricité effectivement produite par celles-ci et d'un rendement théorique de 33 %). Le manuel sur les statistiques de l'énergie coédité par l'Agence internationale de l'énergie et par Eurostat souligne que, si l'origine du combustible nucléaire était prise en considération, « la dépendance de l'approvisionnement à l'égard d'autres pays serait accrue ». Dans le cas de la France, le taux d'indépendance énergétique perdrait 36 points de pourcentage, pour s'établir à 15 % en 2022, si l'on considérait comme énergie primaire le combustible nucléaire plutôt que la chaleur issue de sa réaction.

En outre, le taux d'indépendance ne suffit pas à donner une vision complète de l'autonomie de la France en matière énergétique car il compare consommation et production primaires. Pour avoir une vision complète, il faut également s'intéresser à la transformation de l'énergie primaire en énergie finale. La France produit sur son sol les deux tiers des produits raffinés consommés par les utilisateurs finaux (même si elle recourt à du pétrole brut quasi intégralement importé pour cette production). La consommation finale en chaleur commercialisée, en électricité et en énergies renouvelables thermiques et déchets est aussi intégralement ou quasi intégralement produite sur le territoire français (cf. partie 3 sur la transformation).

Échanges extérieurs d'uranium

Même si les combustibles utilisés par les centrales nucléaires ne sont pas retracés dans le bilan de l'énergie (cf. encadré supra), ils sont nécessaires pour amorcer la réaction nucléaire.

En 2022, la France importe des matières nucléaires, à hauteur de 1,1 milliard d'euros, essentiellement de l'uranium naturel et de l'uranium enrichi, et en exporte à hauteur de 1,5 milliard d'euros (essentiellement de l'uranium enrichi).

L'approvisionnement en uranium naturel est diversifié avec des importations en provenance principalement du Niger, d'Ouzbékistan, d'Australie, du Kazakhstan et de la Namibie en 2022 (figure 2.1.4). L'origine des importations varie selon les années. En 2022, la facture en uranium naturel se replie après avoir nettement augmenté en 2021 (figure 2.1.5). En 2022, la production de combustibles nucléaires sur le territoire diminue (- 5,6 % par rapport à 2021) mais reste élevée (+ 10 % par rapport à 2019). Cette production est réalisée par Framatome (site de Romans-sur-Isère) en assemblant l'uranium enrichi par Orano sur le site de Pierrelatte avec des composants métalliques fabriqués en interne. Des assemblages combustibles sont également importés de Suède, du Royaume-Uni et d'Espagne.

La France est exportatrice nette d'uranium enrichi (figure 2.1.5). Le solde exportateur augmente nettement en raison d'une moindre demande intérieure liée à la faible disponibilité du parc nucléaire en 2022. Ses principaux clients sont les États-Unis, la Corée du Sud, le Royaume-Uni, le Japon, l'Allemagne et la Suède.

L'uranium appauvri, sous-produit de l'enrichissement de l'uranium, est principalement importé auprès de pays européens (Allemagne, Suède, Suisse).

Figure 2.1.4 : répartition des importations d'uranium en valeur par pays en 2022

Source : DGDDI

Figure 2.1.5 : facture d'uranium

Source : DGDDI