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Bilan énergétique
de la France pour 2022
mai 2024

3.4 Baisse prononcée de la production d'électricité induite par un recul des productions nucléaire et hydraulique

3.4.1 Production nette d'électricité

La production d'électricité, nette de la consommation des auxiliaires et des pertes dans les transformateurs des centrales, s'établit à 455 TWh en 2022 (figures 3.4.1.1 et 3.4.1.2). Elle diminue de 14,6 % par rapport à 2021 et atteint son niveau le plus bas depuis 1992.

Ce recul s'explique surtout par le repli de la production nucléaire en 2022 (- 22,6 %, à 279 TWh) en raison de de la faible disponibilité du parc (cf. 2.2.2). La production d'électricité nucléaire représente 61,4 % de la production d'électricité en France en 2022. D'autre part, la diminution de la production hydraulique (- 20,0 %, à 51 TWh) contribue également négativement à l'évolution de la production d'électricité, principalement en raison de précipitations peu abondantes, notamment au printemps et à l'été, ce qui a entraîné un moindre débit des cours d'eau et des stocks hydrauliques. En conséquence, la production thermique classique, qui permet de faire face à une baisse de la production renouvelable et nucléaire ou de répondre à un pic de demande, augmente de 21,0 % en 2022, pour s'établir à 67 TWh. Par ailleurs, le photovoltaïque et l'éolien continuent d'occuper une place croissante dans le bouquet de production en 2022 puisque cette dernière a augmenté de 27,8 % pour le photovoltaïque et de 2,4 % pour l'éolien.

Figure 3.4.1.1 : production nette d'électricité

* Y compris énergie marémotrice.
Source : SDES, Bilan de l'énergie, d'après RTE, EDF et producteurs d'électricité

Figure 3.4.1.2 : production nette d'électricité

2018

2019

2020

2021

2022

En TWh

En M€2022

En TWh

En M€2022

En TWh

En M€2022

En TWh

En M€2022

En TWh

En M€2022

Production nucléaire

393

379

335

361

279

dont Arenh

96

4 399

120

5 430

126

5 534

126

5 461

126

5 309

Production hydraulique*

70

61

67

64

51

dont hydraulique sous OA

7

552

6

527

7

569

6

512

4

408

dont subventions OA

221

241

292

4

- 385

Production éolienne

29

35

40

37

38

dont éolien sous OA

28

2 726

32

3 066

39

3 708

35

2 806

32

3 356

dont subventions OA

1 301

1 630

2 063

142

- 2 229

Production photovoltaÏque

11

12

13

15

20

dont photovoltaïque sous OA

11

3 530

12

3 832

13

3 727

15

3 632

19

4 670

dont subventions OA

2 940

3 291

3 279

2 464

1 391

Production thermique renouvelable et géothermie

10

10

10

11

11

dont sous OA

8

1 081

8

1 176

8

1 222

9

1 357

8

1 386

dont subventions OA

687

786

835

699

21

Production thermique non renouvelable

45

49

44

45

56

dont sous OA

12

2 397

12

2 511

12

2 336

12

3 014

11

3 770

dont subventions OA

1 712

1 791

1 636

1 732

1 798

Autre (Interconnexion**)

46

46

34

86

187

dont subventions

13

8

- 5

46

137

Production subventionnée hors OA en ZNI***

3

908

2

951

3

874

2

882

3

935

dont subventions

636

679

611

543

546

Total production France entière

558

547

510

532

455

Subventions totales (y compris interconnexions et charges de péréquation dans les ZNI)

7 512

8 426

8 712

5 630

1 278

* Y compris énergies marines.
** Interconnexion : correspond à l'électricité achetée via la liaison à courant continu Italie-Corse-Sardaigne.
*** ZNI : zones non interconnectées au réseau d'électricité métropolitain continental. Elles incluent la Corse, les DROM ainsi que les îles du Ponant et Chausey.
Note : ne sont valorisées monétairement dans ce tableau que les productions sous obligation d'achat (OA) ou bénéficiant de compléments de rémunération, ainsi que la production d'origine nucléaire vendue dans le cadre du mécanisme de l'Arenh.
Source : SDES, Bilan de l'énergie

Nucléaire

En raison d'une disponibilité historiquement faible du parc nucléaire, la production nette d'électricité nucléaire recule de 22,6 % en 2022, à 279 TWh (cf. 2.2.2). La disponibilité du parc a été particulièrement basse durant la période estivale en lien avec les multiples arrêts pour maintenance et contrôles à la suite de la découverte d'un problème de corrosion dans les circuits de refroidissement. La production nucléaire se situe ainsi à son niveau le plus bas depuis 1988.

Dans le cadre du dispositif d'accès régulé à l'électricité nucléaire historique (Arenh), un peu moins de la moitié de la production nucléaire, soit 126 TWh, a été rachetée à EDF par les fournisseurs alternatifs ainsi que par les gestionnaires de réseaux pour la couverture de leurs pertes, pour un montant de 5,3 Md€. En effet, en 2022, 26 TWh ont été cédés à destination des pertes liées au transport d'électricité, dont la plus grande partie vient de la dissipation de chaleur par effet Joule. Ainsi, les fournisseurs peuvent avoir un droit supérieur au plafond de l'Arenh (fixé à 120 TWh en 2022) afin de tenir compte des quantités d'électricité fournies à perte.

Hydraulique

La production hydraulique nette (y compris énergies marines et pompages) recule en 2022 (- 20,0 %) et s'établit à 51 TWh (cf. 2.2.3) du fait de conditions hydrologiques peu favorables.

Un peu moins de 5,5 TWh (10,7 % de la production) sont produits par des stations de transfert d'énergie par pompage (Step) qui permettent de stocker de l'électricité en pompant l'eau d'une retenue inférieure à une retenue supérieure pour la turbiner en sens inverse ultérieurement.

En 2022, 4 TWh sont produits dans le cadre de contrats d'obligation d'achat ou compléments de rémunération. Auparavant, le tarif d'achat concernait les installations de moins de 12 MW. Depuis le 30 mai 2016, ne sont éligibles à de nouveaux contrats d'obligation d'achat que les installations de moins de 500 kW. Un complément de rémunération en guichet ouvert est possible pour les installations de moins de 1 MW et sur appel d'offres pour les installations de puissance comprise entre 1 et 4,5 MW. Ces installations ont revendu leur production aux acheteurs obligés pour 408 M€.

Éolien

Grâce à la progression du parc installé, la production éolienne progresse de 2,4 % en 2022 et s'établit à 38 TWh (cf. 2.2.3).

En raison de l'envolée des prix de gros de l'électricité en 2022, les subventions à la filière éolienne dans le cadre du dispositif des obligations d'achat et des compléments de rémunération sont négatives, à - 2,2 Md€. En effet, les compensations aux opérateurs se fondent sur la différence entre un tarif fixé à l'avance et le prix de marché. Les prix de gros de l'électricité ayant dépassé le tarif en 2022, les producteurs éoliens concernés ont vendu leur production en dessous du prix de marché.

Solaire photovoltaïque

La production solaire photovoltaïque progresse de plus d'un quart en 2022 (+ 27,8 %) et s'établit à 20 TWh en raison de l'augmentation de la puissance du parc et d'un ensoleillement plus généreux (cf. 2.2.3). Le champ couvert par cette production inclut la production photovoltaïque autoconsommée qui s'élève à 0,5 TWh en 2022. L'État, via les dispositifs d'obligation d'achat et de compléments de rémunération soutient particulièrement les différentes formes de production photovoltaïques (autoconsommation et vente en totalité). Cependant, en 2022, les montants des subventions attribués à la filière solaire tombent à leur niveau le plus bas depuis 2012, soit 1,4 Md€. Cela s'explique, comme pour l'éolien, par le différentiel très faible entre le prix de marché et le tarif fixé à l'avance.

Thermique classique

L'ajustement de l'offre à la demande d'électricité est, pour l'essentiel, assuré par la filière thermique classique à partir de combustibles fossiles ou renouvelables, dont les moyens de production peuvent être démarrés ou stoppés très rapidement selon les besoins. En 2022, la production thermique augmente de 21 % et s'établit à 67 TWh (figure 3.4.1.3). En effet, dans un contexte de baisse des productions d'origine nucléaire et hydraulique et malgré une forte augmentation du prix du combustible, les installations thermiques classiques, utilisées comme moyens de pointe pour ajuster l'offre à la demande, ont été davantage sollicitées que l'année précédente.

Le rendement électrique moyen des centrales, qui rapporte la production d'électricité à la consommation de combustibles nécessaire à cette production, est très différencié selon le combustible utilisé. En 2022, il s'élève à 65 % pour le gaz, 48 % pour la biomasse, 44 % pour le biogaz, 42 % pour les produits pétroliers, 30 % pour les déchets ménagers. Ces derniers sont consommés principalement par des incinérateurs dont le but premier est la destruction des déchets et non la conversion énergétique. À l'inverse, les centrales fonctionnant au gaz naturel, en particulier celles qui sont dédiées à la production d'électricité seule, affichent en moyenne le meilleur rendement, convertissant plus de la moitié de l'énergie contenue dans le combustible en électricité. En effet, la transformation de gaz en électricité est aujourd'hui essentiellement assurée (hors cogénération) par des centrales à cycle combiné, plus efficaces d'un point de vue énergétique que les centrales thermiques traditionnelles. Les centrales de cogénération qui produisent à la fois de la chaleur et de l'électricité à partir de la biomasse ou des déchets tirent les rendements électriques de ces combustibles à la baisse. Leur efficacité globale reste néanmoins plus importante car le rendement de la production de chaleur y est conventionnellement fixé à 85 %. Les rendements énergétiques apparents sont dispersés, en particulier dans le cas du biogaz, dont la teneur en méthane peut être très variable, et de la biomasse, dont la composition et le taux d'humidité ne sont pas très homogènes (figure 3.4.1.4). Le pouvoir calorifique de ces combustibles est estimé avec beaucoup plus d'imprécision et les différences de rendements apparents témoignent vraisemblablement des différences de pouvoirs calorifiques non pris en compte. Pour le gaz naturel et le pétrole, les faibles rendements sont principalement observés lorsque ces combustibles sont mélangés avec des déchets ou des gaz de raffineries (qui sont classés parmi les produits pétroliers mais peuvent contenir d'autres gaz).

Les centrales thermiques utilisant des énergies renouvelables et de récupération (biomasse, biogaz, déchets) ainsi que celles de cogénération peuvent bénéficier, sous conditions, du mécanisme d'obligation d'achat ou de celui des compléments de rémunération. La production électrique dans le cadre de ces dispositifs s'est élevée à 19 TWh en 2022, et a été subventionnée à hauteur de 1,8 Md€.

Figure 3.4.1.3 : production thermique classique nette par type de combustibles

* EnRt = énergies renouvelables thermiques.
Lecture : en 2022, 43 TWh d'électricité ont été produits par combustion de gaz naturel, dont 13 TWh à l'aide d'un procédé de cogénération.
Source : SDES, Bilan de l'énergie, enquête annuelle sur la production d'électricité

Figure 3.4.1.4 : répartition des combustibles par tranche de rendement en 2022

Lecture : en 2022, 56 % de la consommation de produits pétroliers pour produire de l'électricité a été réalisée dans des centrales avec un rendement énergétique compris entre 40 et 50 %.
Note : la taille des ronds est proportionnelle au poids du combustible par tranche de rendement dans la consommation totale de ce combustible pour produire de l'électricité. En cas d'utilisation de plusieurs combustibles par une centrale, la production est répartie entre ces derniers en proportion : une centrale consommant plusieurs combustibles apparaît ainsi dans plusieurs ronds sur la même tranche.
Champ : centrales thermiques.
Source : SDES, enquête annuelle sur la production d'électricité

Sur l'ensemble des filières de production, ce sont, au total, 75 TWh d'électricité qui sont vendus pour un montant de 13,6 Md€ aux acheteurs obligés et dont 0,6 Md€ est subventionné par l'État dans le cadre des mécanismes d'obligation d'achat et de compléments de rémunération.

Par ailleurs, des compensations, de l'ordre de 2,3 Md€ en 2022, sont accordées par l'État aux producteurs situés dans les zones non interconnectées (les îles françaises dont l'éloignement géographique empêche ou limite une connexion au réseau électrique continental) dans le cadre de la péréquation géographique tarifaire5. Ces compensations visent à ne pas répercuter les surcoûts de production (liés aux contraintes plus fortes pour assurer l'équilibre entre offre et demande du fait du caractère insulaire du territoire) sur le tarif moyen de vente au client final, et ainsi à garantir que celui-ci soit similaire à celui de la France continentale.

5 Il est fait l'hypothèse, dans le compte présenté ici, que la totalité du surcoût est liée à la production alors qu'en réalité une partie provient de la gestion du réseau. Les activités de production, distribution et fourniture d'électricité étant, par dérogation au droit européen, intégrées dans les zones non interconnectées, il n'est en effet pas possible d'identifier séparément les deux composantes.

Principales installations de production d'électricité en France par filière

Figure 3.4.1.5 : sites nucléaires, situation au 31 décembre 2022

* REP : réacteur à eau pressurisée.
** EPR : réacteur pressurisé européen.
*** La centrale du Bugey est en circuit mixte.
Source : DGEC

Figure 3.4.1.6 : puissance hydraulique (hors pompages, y compris énergies marines) raccordée au réseau au 31 décembre 2022

Source : SDES, Bilan de l'énergie, enquête annuelle auprès des producteurs d'électricité

Figure 3.4.1.7 : puissance éolienne raccordée au réseau au 31 décembre 2022

En MW

Source : SDES, Bilan de l'énergie, d'après raccordements Enedis, RTE, EDF-SEI, CRE et les principales ELD

Figure 3.4.1.8 : puissance photovoltaïque raccordée au réseau au 31 décembre 2022

En MW

Source : SDES, Bilan de l'énergie, d'après raccordements Enedis, RTE, EDF-SEI, CRE et les principales ELD

Figure 3.4.1.9 : centrales au gaz naturel, situation au 31 décembre 2022

Source : RTE

Figure 3.4.1.10 : centrales à charbon et au fioul, situation au 31 décembre 2022

Source : RTE

3.4.2 Transport et distribution d'électricité

Le réseau d'électricité, qui permet son acheminement depuis les lieux de production jusqu'à ceux de consommation, se compose de deux niveaux : le réseau de transport et le réseau de distribution. Le réseau de transport, géré par RTE sur le territoire continental, comprend les lignes à très haute tension (« HTB »). En 2022, il atteint une longueur totale d'environ 106 000 km, soit quasiment la même longueur que l'année précédente. En effet, l'allongement du réseau via le raccordement du parc éolien en mer de Saint-Nazaire est compensé par le recul du réseau de lignes aériennes en 2022. Le réseau de transport permet d'acheminer la très grande majorité de l'électricité produite au réseau de distribution et à quelques très gros consommateurs. Les réseaux de distribution, auxquels sont raccordés la grande majorité des consommateurs et la quasi-totalité des petits producteurs, comprennent les lignes à moyenne et basse tension (« HTA » et « BT »), d'une longueur cumulée de plus de 1,4 million de kilomètres. Enedis est le gestionnaire d'un réseau couvrant 95 % des clients du territoire continental, 108 entreprises locales de distribution se répartissant le reste. EDF SEI, acteur intégré (également producteur et fournisseur), gère les réseaux des zones non interconnectées, sauf à Mayotte où la gestion est assurée par Électricité de Mayotte.

Transport et distribution confondus, la rémunération des gestionnaires de réseaux pour leurs missions s'élève à 15,4 Md€ en 2022 (figure 3.4.2.1). Cette somme, payée par les consommateurs via le tarif d'utilisation des réseaux publics d'électricité (Turpe), comprend notamment la valeur des pertes physiques d'électricité sur les réseaux, qui doivent être achetées sur le marché par les gestionnaires (cf. 1.7.2). Ces pertes se sont élevées à 35 TWh en France en 2022, entraînant une charge de 2,9 Md€ pour les gestionnaires. Nette de la valeur de ces pertes (qui, in fine, constitue une rémunération des producteurs), une rémunération de 12,5 Md€ en 2022 a donc été perçue par les gestionnaires de réseaux afin de financer le développement, la maintenance et l'exploitation des réseaux ainsi que les missions associées (relève/comptage, mise en service, dépannage, mise à disposition de données, etc.). Le coût du réseau pour les consommateurs, y compris les pertes, diminue de 5,6 % en 2022, en lien avec une baisse de 4,7 % des volumes de consommation sur un an.

Les réseaux de distribution et le réseau de transport contribuent respectivement à hauteur de 86 % et 14 % au coût total d'acheminement de l'électricité en 2022, contre 73 % et 27 % en 2021, en raison de la hausse du prix de l'électricité en 2022.

En 2022, les écarts de prix sur le marché de gros de l'électricité se sont creusés entre la France et les pays européens voisins, ce qui a entraîné une hausse conséquente des recettes liées aux interconnexions frontalières (+ 232 % selon le rapport d'activité de RTE). Les recettes de RTE ont dépassé les montants prévisionnels fixés par la Commission de régulation de l'énergie (CRE) sur l'année 2022. En conséquence, le régulateur a ordonné la redistribution de ce surplus aux clients du réseau (contrat d'accès au réseau de transport, CART), et notamment à Enedis, conformément au code de l'énergie.

Les coûts unitaires en 2022 sont inférieurs aux valeurs de 2021 sur les réseaux de distribution et diminuent de moitié sur les réseaux de transport sur la même période.

Figure 3.4.2.1 : utilisation des réseaux d'électricité

2018

2019

2020

2021

2022

En TWh

En M€2022

En TWh

En M€2022

En TWh

En M€2022

En TWh

En M€2022

En TWh

En M€2022

Réseau de transport

441

4 676

436

4 593

418

4 252

438

4 465

418

2 189

dont pertes

11

484

11

493

11

522

11

566

10

490

Réseaux de distribution

403

11 351

399

11 213

385

11 253

404

11 872

385

13 229

dont pertes

28

1 309

27

1 288

25

1 279

28

1 686

25

2 438

Utilisation des réseaux

478

16 027

472

15 806

452

15 504

475

16 338

452

15 418

dont pertes

39

1 793

38

1 782

36

1 800

39

2 252

35

2 928

Note : le réseau de transport a acheminé 418 TWh d'électricité en 2022 et a perçu pour cela une rémunération de 2 189 M€, dont 490 M€ correspondent à l'achat de 10 TWh dissipés lors de ce transport.
Source : SDES, Bilan de l'énergie, d'après les gestionnaires de réseaux