Focus sur l’hydrogène, vecteur prochainement retracé dans le bilan énergétique
L’hydrogène pur (à 98 % ou plus) sera pris en compte dans les statistiques de l’énergie à partir de l’année 2024, conformément au règlement européen sur les statistiques de l’énergie révisé en janvier 2022 (introduction de ce vecteur) puis en janvier 2024 (prise en compte dans le bilan des autres énergies). Il n’apparaît donc pas encore dans le bilan énergétique, sauf indirectement en tant que combustible pour la production d’électricité. Néanmoins, une évaluation des ressources et des usages de ce vecteur en 2022 et 2023 a été réalisée. Cette synthèse s’appuie sur plusieurs sources administratives, sur des enquêtes8 existantes et sur une nouvelle enquête auprès des sites producteurs d’hydrogène qui permet de connaître les quantités par mode de production, les capacités des sites producteurs et enfin d’estimer la consommation d’énergie pour sa production.
L’hydrogène (dihydrogène) pur est un vecteur énergétique encore peu produit et utilisé. Mais il suscite un intérêt croissant pour la décarbonation de plusieurs usages et secteurs à condition d’être produit à partir de procédés faiblement émetteurs en gaz à effet de serre, tels que l’électrolyse de l’eau en utilisant de l’électricité à faible contenu carbone. Très léger et présent en faibles quantités à l’état naturel, l’hydrogène utilisé est obtenu principalement à partir de combustibles fossiles. Il est considéré comme un vecteur énergétique secondaire, comme l’électricité ou la chaleur vendue.
Les ordres de grandeur présentés ici diffèrent des évaluations réalisées par France Hydrogène et l’Institut français du pétrole et énergies nouvelles (Ifpen) car seul l’hydrogène pur est ici retracé (il est exclu quand il fait partie de mélanges de gaz même s’il est majoritaire dans leur composition).
8 Enquête annuelle de production de l’Insee, données douanières, enquête sur la consommation d’énergie de l’industrie.
Production d’hydrogène
En 2023, la production totale d’hydrogène pur en France est estimée à 245 000 tonnes, soit 8,2 TWh (figure 1). Elle augmente de 18 % par rapport à 2022.
L’hydrogène est commercialisé par une dizaine d’unités légales en France. En 2023, la production vendue d’hydrogène pur s’élève à 64 000 tonnes (soit 2,1 TWh).
L’hydrogène peut aussi être produit par des entreprises (énergétiques ou non) pour leur usage propre – et ne fait pas alors l’objet d’une vente – ou être produit de manière fatale dans des processus industriels, c’est-à-dire sans être réutilisé directement, ni à des fins énergétiques ni à des fins non énergétiques. Cela concerne 181 000 tonnes (6 TWh) en 2023.
Figure 1 : ressources et usages d’hydrogène pur en 2022 et 2023
Source : calculs SDES, à partir de EAPH, enquête auprès des raffineurs, EACEI
Les sites de raffinage de pétrole produisent des gaz qui contiennent de l’hydrogène. S’ils ne sont pas épurés, ces gaz sont déjà pris en compte dans les statistiques de l’énergie en tant que produits pétroliers (gaz de raffineries). Selon les raffineurs, seules 73 000 tonnes d’hydrogène pur sont produites en 2023 par les sites de raffinage. Seules 29 000 tonnes (1 TWh) sont ensuite utilisées pures9 pour le processus de raffinage et la production de chaleur.
Les cokeries déclarent, quant à elles, ne produire que des mélanges de gaz contenant de l’hydrogène (des gaz de cokeries, classés comme produits du charbon dans le bilan) qu’elles n’épurent pas.
Les industriels hors branche énergie, dans la chimie essentiellement, produisent également de l’hydrogène (pour 108 000 tonnes en 2023, soit 3,6 TWh) qu’ils utilisent pour leurs besoins propres (autoconsommation).
Malgré le développement de projets de production d’hydrogène bas-carbone, l’hydrogène pur produit en 2023 provient très majoritairement de procédés émetteurs en CO2. L’essentiel des quantités (70 %) est obtenu à partir du gaz naturel (méthane) à travers le vaporeformage (SMR pour steam methane reforming) et l’oxydation partielle sans capture de carbone (figure 2). Le vaporeformage ou l’oxydation partielle à partir de méthane avec un procédé de capture et de stockage du carbone est utilisé pour 10 % de l’hydrogène produit. L’électrolyse est encore très peu utilisée (9 %) pour la production de quantités significatives. Au sein de l’électrolyse, le procédé chlore-soude, qui génère les plus grandes quantités, concerne un nombre très restreint de producteurs. La production d’hydrogène à partir de produits pétroliers et d’autres procédés (à partir de méthanol principalement) est faible (moins de 10 % des quantités produites).
9 Les quantités produites non utilisées pures et non vendues sont considérées alors comme mélangées.
Figure 2 : hydrogène pur par mode de production en 2022 et 2023
Sources : SDES, EAPH et enquête auprès des raffineurs et Insee, EACEI
Stockage, transport et Échanges extÉrieurs
Le stockage et le transport de l’hydrogène sont encore très peu développés en raison de l’absence d’infrastructures conséquentes (sites de stockages et réseaux de transport) et d’enjeux spécifiques pour ce vecteur (faible densité, risques d’explosion ou de fuites). Les sites de production sont implantés à proximité des sites de consommation. Les importations d’hydrogène sont par conséquent encore très limitées (1 200 tonnes en 2023) tout comme les exportations (1 400 tonnes en 2023) mais elles augmentent par rapport à l’année précédente. En 2022, les quantités échangées étaient en effet encore plus faibles : 1 100 tonnes ont été importées et 700 tonnes ont été exportées.
Consommation
Les usages de l’hydrogène (acheté ou autoconsommé) sont principalement la désulfurisation des produits pétroliers (dans le processus de raffinage) pour 21 000 tonnes en 2023 (0,7 TWh), la production de chaleur des bâtiments industriels et des sites de raffinage pour 49 000 tonnes (1,6 TWh) et les usages non énergétiques pour 100 000 tonnes (3,3 TWh), concentrés pour 95 % dans le secteur de la chimie (dont chimie organique) - (figure 3). L’hydrogène est notamment utilisé pour la fabrication d’engrais.
La production d’électricité et la mobilité sont encore très peu concernées en 2023 par ce vecteur. Utilisé sous forme liquide depuis plusieurs décennies pour propulser Ariane, l’hydrogène fait toutefois l’objet d’investissements pour la mobilité lourde, en particulier sous la forme de carburants de synthèse dans l’aviation et le transport maritime. L’hydrogène est actuellement utilisé de manière très marginale dans le transport fluvial et le transport routier (50 bus, moins de 10 poids lourds, un peu moins de 200 camionnettes, un peu plus de 50 fourgons ou véhicules aménagés et près de 900 véhicules particuliers avec des piles à hydrogène au 1er janvier 2024 selon le répertoire statistique des véhicules routiers RSVERO). Les stations de recharge sont principalement implantées en Normandie, Île-de-France, Auvergne-Rhône-Alpes et près de Nantes, à proximité des sites de production.
Les pertes et mélanges s’élèvent à près de 57 000 tonnes, soit 1,9 TWh. L’essentiel provient des quantités produites par les raffineries qui ne sont pas utilisées pures et sont donc considérées comme mélangées à d’autres gaz.
Figure 3 : consommation d’hydrogène pur dans l’industrie hors branche énergie (raffinage et transformation en électricité par secteur) en 2023
Source : Insee, EACEI