1.7 Malgré la baisse observée sur les marchés de gros, les prix de l’électricité aux consommateurs finaux progressent encore en 2023
1.7.1 Prix de gros de l’électricité
L’électricité peut s’échanger de gré à gré ou sur des bourses. Deux bourses opèrent sur le marché français : European Power Exchange (Epex) Spot et Nord Pool Spot, depuis mi-2019. Les produits à terme peuvent, quant à eux, s’échanger sur la bourse European Energy Exchange (EEX) Power Derivatives. Le prix spot de l’électricité livrable en France atteint 97,4 €/MWh en moyenne en 2023. Il est divisé par 2,9 par rapport à son niveau record enregistré en 2022. Le reflux du prix de l’électricité en 2023 s’explique d’abord par celui du prix du gaz naturel, combustible utilisé généralement par la dernière centrale électrique européenne appelée en cas de pic de demande d’électricité. L’amélioration de la disponibilité du parc nucléaire (cf. 2.2.2) et la forte croissance de la production d’électricité renouvelable, notamment en fin d’année, ont accru l’offre d’électricité disponible avec en outre un recours moindre aux centrales à gaz. Dans le même temps, la consommation d’électricité est restée modérée.
Le prix spot a particulièrement diminué en début d’année 2023, de janvier à mai, avant de se stabiliser et de décroître à nouveau en fin d’année (figure 1.7.1.1). En 2024, les prix de gros de l’électricité continuent de diminuer jusqu’en mai, en raison notamment d’une offre d’électricité nucléaire et renouvelable abondante, et repartent à la hausse en juin et juillet (cf. 1.3.1).
Les prix à terme de l’électricité, qui reflètent les anticipations des acteurs du secteur, se sont également fortement repliés en 2023. Le prix à terme pour l’année suivante (« Y+1 ») de l’électricité en base est ainsi passé de 367 €/MWh en 2022 en moyenne à 162 €/MWh en 2023.
Figure 1.7.1.1 : prix Baseload moyen mensuel sur le marché European Power Exchange (Epex) Spot France
Source : Epex Spot
La France exporte l’électricité à un prix en moyenne moins élevé que celui auquel elle l’importe. En 2023, ceux-ci s’élèvent respectivement à 90 €/MWh et 113 €/MWh (figure 1.7.1.2). D’une part, le prix à l’importation peut comprendre un coût d’interconnexion (correspondant à une rémunération des gestionnaires de transport de part et d’autre de la frontière). D’autre part, le chauffage électrique étant particulièrement développé, la France importe en général en hiver durant les périodes de forte consommation (matinée et début de soirée), lorsque l’électricité est la plus chère. Les prix de l’électricité importée et exportée diminuent très nettement par rapport à 2022 (ils sont respectivement divisés par 2,7 et 2,6).
Figure 1.7.1.2 : prix moyens de l’électricité à l’importation et à l’exportation
En €/MWh
2019 |
2020 |
2021 |
2022 |
2023 |
|
---|---|---|---|---|---|
Exportations |
38 |
30 |
89 |
233 |
90 |
Importations |
47 |
39 |
144 |
308 |
113 |
Source : SDES, Bilan de l’énergie, d’après DGDDI
En dehors des marchés de gros et des transactions de gré à gré, certaines productions d’électricité sont vendues à des prix régulés à des fournisseurs ou des intermédiaires.
D’une part, certaines filières, que l’État souhaite développer, bénéficient d’obligations d’achat leur garantissant un tarif défini sur une période de 10 à 20 ans ou de compléments de rémunération. Ces soutiens, établis dans une logique de couverture de coûts, sont très différenciés selon les filières (figure 1.7.1.3). La production photovoltaïque, qui représente 41 % des subventions, bénéficie d’une rémunération moyenne élevée, à 205 €/MWh en 2023. Celle-ci diminue globalement depuis 2018 sous l’effet de l’afflux de nouvelles installations raccordées, qui bénéficient d’aides moins substantielles qu’au démarrage de la filière, et de l’arrivée à échéance des contrats historiques à prix très élevés. Ce moindre soutien reflète la baisse des coûts des installations. La filière biogaz bénéficie de la rémunération la plus élevée en 2023, à 212 €/MWh. À l’opposé, les rémunérations les plus basses concernent la filière d’incinération des déchets ménagers, suivie par l’éolien et la petite hydraulique (les grandes installations hydrauliques ne bénéficiant pas de soutien public). L’augmentation de la rémunération moyenne des filières biogaz, biomasse et petite hydraulique en 2023 est principalement due à la revalorisation des tarifs d’achat des installations déjà sous contrat, selon la Commission de régulation de l’énergie. En effet, les indices utilisés répercutent la hausse du coût horaire du travail et de prix de production de l’industrie, plus importante en 2023 qu’en 2022.
Figure 1.7.1.3 : rémunérations moyennes des installations en activité bénéficiant d’obligations d’achat ou de compléments de rémunération
En €/MWh
2019 |
2020 |
2021 |
2022 |
2023 |
|
---|---|---|---|---|---|
Photovoltaïque |
296 |
276 |
253 |
246 |
205 |
Éolien |
90 |
91 |
79 |
103 |
105 |
Hydraulique |
83 |
82 |
79 |
91 |
106 |
Biogaz |
163 |
170 |
167 |
186 |
212 |
Incinération |
60 |
60 |
59 |
61 |
66 |
Biomasse |
146 |
147 |
132 |
152 |
187 |
Toutes installations |
148 |
141 |
147 |
182 |
169 |
Note : pour les installations sous obligation d’achat, la rémunération est égale au tarif d’achat. Pour celles bénéficiant d’un complément de rémunération, elle est égale à la somme de ce complément (positif ou négatif) et du prix de gros moyen de l’électricité produite pour les installations. Elle est calculée sur l’ensemble du territoire français pour les filières photovoltaïque, éolienne et hydraulique, et sur la France continentale pour les autres filières.
Source : SDES, Bilan de l’énergie, d’après EAPE, CRE
D’autre part, dans le but de permettre une concurrence équitable entre fournisseurs historiques (EDF et les ELD sur leur zone de desserte) et fournisseurs alternatifs, ces derniers bénéficient depuis juillet 2011 du dispositif de « l’accès régulé à l’électricité nucléaire historique » (Arenh), mis en place pour une durée de 15 ans. Ce dispositif permet aux fournisseurs alternatifs d’acheter une partie de la production nucléaire au prix de 42 €/MWh, pour un volume global qui ne peut excéder 100 TWh.
1.7.2 Prix à la consommation de l’électricité
En 2023, les prix de l’électricité payés par les consommateurs finaux restent nettement orientés à la hausse malgré la baisse des prix sur les marchés de gros. Les prix aux consommateurs finaux sont en partie déterminés par les prix sur les marchés de gros à terme, par exemple au travers des volumes d’électricité couverts par les fournisseurs l’année précédant la livraison (produit Y+1 sur les marchés à terme), qui ont atteint un pic en 2022 (680 €/MWh en août 2022). L’électricité est payée en moyenne 214 €/MWh, tous consommateurs (à l’exception de la branche électricité) et tous types d’offres (tarifs réglementés ou offres de marché) confondus, contre 158 €/MWh en 2022, soit une augmentation de 35 % sur un an (ce prix inclut la TVA uniquement pour les ménages).
Figure 1.7.2.1 : décomposition du prix moyen de l’électricité
Note : la branche électricité et l’autoconsommation sont exclues du champ.
La composante acheminement inclut le coût des pertes sur les réseaux de transport et de distribution.
La TVA n’est comptabilisée que pour le résidentiel, étant déductible pour les entreprises. Les chèques énergie et les guichets d’aide ne sont pas inclus.
Source : SDES, Bilan de l’énergie
Le prix comprend une composante « fourniture », une composante « acheminement » et les taxes (figure 1.7.2.1). La composante « fourniture » correspond aux coûts de l’activité de fourniture, soit la somme des coûts d’approvisionnement en électricité et en garanties de capacité, des coûts de commercialisation (incluant les certificats d’économie d’énergie) et de la rémunération du fournisseur (marge). En 2023, elle s’élève en moyenne à 157 €/MWh. C’est la composante qui augmente le plus sur un an (+ 57 %) en raison de la transmission des prix à terme (Y+1) de l’année précédente sur les marchés de gros, qui étaient à leur maximum en 2022 dans le contexte de la crise énergétique liée à la guerre en Ukraine. L’augmentation des prix de la fourniture d’électricité en 2023 est comparable à celle de 2022, après deux années de hausse plus modérée en 2020 et 2021. Au total, cette composante a presque triplé depuis 2019, passant de 55 €/MWh à 157 €/MWh.
La composante « acheminement » correspond au tarif d’utilisation des réseaux publics d’électricité (Turpe). Ce tarif s’applique à tous les utilisateurs raccordés aux réseaux de transport et de distribution en haute et basse tension, quel que soit leur fournisseur d’énergie. Il vise à couvrir les coûts des activités des gestionnaires de réseau de transport (RTE) et de distribution (Enedis, entreprises locales de distribution…), c’est-à-dire les charges du système électrique (dont les pertes réseau) mais aussi les coûts de développement, d’exploitation et d’adaptation à la transition énergétique des réseaux. Le barème du Turpe est réglementé et fixé par la Commission de régulation de l’énergie (CRE). Le Turpe s’élève à 40 €/MWh en moyenne en 2023 et augmente de 10,1 % par rapport à 2022, après une hausse de 1,2 % entre 2021 et 2022. Deux facteurs expliquent cette hausse. D’une part, le barème du Turpe a augmenté de 6,5 % au 1er août 2023, essentiellement en raison de l’inflation. D’autre part, les consommations d’électricité ont diminué en 2023 (- 4,0 % entre 2022 et 2023), ce qui se traduit par un renchérissement du Turpe par MWh, le tarif étant dégressif selon la quantité d’électricité consommée.
Les taxes comprennent, outre la TVA, l’accise sur l’électricité, anciennement dénommée TICFE4, et la contribution tarifaire d’acheminement (CTA). L’accise sur l’électricité intègre la taxe départementale sur la consommation finale d’électricité (TDCFE) depuis le 1er janvier 2022 et la taxe communale sur la consommation finale d’électricité (TCCFE) depuis le 1er janvier 2023. La suppression de ces taxes locales est compensée par une majoration de l’accise qui est ensuite reversée aux départements et aux communes. Cependant, une des mesures du bouclier tarifaire mis en œuvre à partir du 1er février 2022 pour contenir la hausse des prix de l’électricité pendant la crise de l’énergie a consisté en l’application d’une minoration de l’accise. Ces mesures ont été prolongées sur l’ensemble de l’année 2023. Les taux d’accise sur l’électricité passent ainsi de 26 €/MWh en moyenne en 2021 à 0,50 €/MWh pour les professionnels et 1 €/MWh pour les ménages et assimilés en 2023. Cette mesure se traduit par une diminution de 60 % des taxes hors TVA par rapport à 2022 et de 85 % par rapport à 2021, à un niveau moyen de 3,7 €/MWh en 2023. En incluant la TVA (pour le secteur résidentiel uniquement), les taxes s’élèvent, au total, à 16,9 €/MWh.
Figure 1.7.2.2 : prix moyen de l’électricité par secteur
En €/MWh
2011 |
2012 |
2013 |
2014 |
2015 |
2016 |
2017 |
2018 |
2019 |
2020 |
2021 |
2022 |
2023 |
|
---|---|---|---|---|---|---|---|---|---|---|---|---|---|
Énergie (hors électricité) |
72 |
74 |
76 |
77 |
78 |
71 |
69 |
74 |
80 |
86 |
96 |
123 |
178 |
Consommation finale TTC* |
100 |
104 |
110 |
114 |
119 |
116 |
117 |
120 |
126 |
135 |
141 |
159 |
215 |
Agriculture-pêche |
90 |
90 |
92 |
105 |
109 |
112 |
114 |
122 |
128 |
133 |
138 |
154 |
257 |
Industrie |
66 |
68 |
71 |
72 |
72 |
66 |
64 |
67 |
71 |
74 |
83 |
113 |
162 |
Transports |
54 |
55 |
54 |
54 |
54 |
49 |
47 |
52 |
53 |
66 |
71 |
110 |
136 |
Tertiaire |
95 |
97 |
103 |
108 |
112 |
105 |
107 |
108 |
115 |
120 |
126 |
145 |
236 |
Résidentiel HTVA |
114 |
118 |
125 |
133 |
138 |
140 |
141 |
146 |
152 |
161 |
165 |
177 |
202 |
Résidentiel TTC |
134 |
138 |
147 |
157 |
162 |
165 |
166 |
171 |
178 |
189 |
193 |
207 |
236 |
Tous secteurs HTVA |
92 |
96 |
101 |
105 |
109 |
106 |
107 |
110 |
115 |
123 |
129 |
148 |
200 |
Tous secteurs TTC* |
99 |
103 |
109 |
114 |
118 |
115 |
116 |
119 |
125 |
134 |
140 |
159 |
214 |
* La TVA est incluse uniquement pour le secteur résidentiel, étant déductible pour les entreprises. Les chèques énergie et les guichets d’aide ne sont pas inclus.
Note : la branche électricité et l’autoconsommation sont exclues du champ.
Source : SDES, Bilan de l’énergie
En 2023, les prix de l’électricité augmentent dans tous les secteurs, avec un prix moyen HTVA de 200 €/MWh, en hausse de 36 % par rapport à 2022 (figure 1.7.2.2). Les prix de l’électricité varient fortement selon le type de client et le type de contrats de fourniture souscrits. Alors que l’année 2022 est marquée par une réduction des écarts entre « gros » et « petits » consommateurs, l’écart se creuse à nouveau en fonction du niveau de consommation, principalement en raison d’une très forte augmentation pour les « petits » consommateurs. Ainsi, le prix HTVA pour la tranche de consommation de 20 à 500 MWh progresse de 72 % sur un an, à 260 €/MWh ; celui de la tranche de 2 à 20 GWh croît de 77 %, à 213 €/MWh (figure 1.7.2.3). À l’inverse les prix pour les « gros » consommateurs diminuent de 4 %, à 124 €/MWh pour la tranche de 70 à 150 GWh et 87 €/MWh pour ceux dépassant 150 GWh. En effet, les « gros » consommateurs sont plus exposés aux fluctuations des prix sur les marchés de gros, que ce soit à la hausse ou à la baisse.
Le prix moyen de l’électricité dans le secteur tertiaire progresse de 63 % entre 2022 et 2023, à 236 €/MWh, contre 44 % de hausse dans le secteur de l’industrie, à 162 €/MWh. L’augmentation est moins forte dans le secteur industriel en raison de l’existence de très gros consommateurs qui ont vu leurs prix diminuer légèrement entre 2022 et 2023 alors que les hausses étaient très fortes pour les « petits » consommateurs. En ce qui concerne le secteur résidentiel, les mesures de soutien au pouvoir d’achat mises en place en 2022 ont été prolongées en 2023. Le bouclier tarifaire a limité la hausse des tarifs réglementés de vente d’électricité (TRVE) et des prix des offres de marché en moyenne à 15 % TTC au 1er février 2023 puis à 10 % TTC au 1er août, ce qui a permis de contenir la hausse des prix à 14,4 %, soit à un niveau total de 236 €/MWh TTC en 2023. De plus, les chèques énergie ont allégé la facture pour les ménages les plus modestes. Les autres secteurs ne sont pas épargnés par les hausses des prix avec une augmentation du prix payé sur un an de 67 % dans l’agriculture, à 257 €/MWh, et de 23 % dans les transports, à 136 €/MWh, la hausse des prix étant limitée dans ce secteur en raison des couvertures prises sur les marchés de gros à terme par les entreprises de transport ferroviaire et les transports en commun urbains et interurbains.
4 Depuis 2016, la taxe intérieure sur la consommation finale d’électricité (TICFE) a fusionné avec la contribution au service public de l’électricité (CSPE).
Figure 1.7.2.3 : évolution du prix hors TVA de l’électricité pour les entreprises en France par niveau de consommation annuel
Source : SDES, enquête Transparence des prix du gaz et de l’électricité