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Indicateurs clés pour le suivi
de l’économie circulaire
- Édition 2021 avril 2021

Empreinte matières

Pour mesurer la pression environnementale sur les matières réellement exercée par un territoire, il est nécessaire de prendre en compte l’ensemble des matières premières mobilisées pour satisfaire la consommation finale d’un pays, c’est-à-dire les matières directement contenues dans les produits consommés, mais aussi les matières nécessaires à leur fabrication, intérieure ou importée. C’est l’objectif de l’empreinte matières. Exprimé en « équivalent matières premières », cet indicateur fait partie des cibles relatives aux objectifs de développement durable 2030 définies par l’ONU.

Pilier

Extraction/exploitation et achats durables

Objectif

Dans un contexte de consommation accrue de matières au niveau mondial, la mise en œuvre et le suivi de politiques d’économie circulaire nécessitent de mieux connaître les flux générés par l’activité économique nationale. L’empreinte matières rend compte de l’ensemble des matières premières mobilisées pour satisfaire la consommation finale d’un pays, tant celles extraites du territoire national, que celles mobilisées directement ou indirectement à l’étranger pour produire et transporter les produits importés.

Tendance

Estimée à 16 tonnes par habitant (t/hab.) en 2008, l’empreinte matières se stabilise autour de 14 t/hab. entre 2009 et 2014. Elle diminue ensuite avant de remonter à son niveau antérieur (14 t/hab. en 2017 et 13,9 t/hab. en 2018).

Évolution de l’empreinte matières par principales catégories

Sources : SDES ; Douanes françaises ; Eurostat. Traitements : SDES, 2021

Définition de l’empreinte matières

Notion analogue aux empreintes carbone ou eau, l’empreinte matières (ou RMC : Raw Material Consumption, consommation intérieure en équivalent matières premières) est un indicateur récent, établi selon la méthodologie préconisée par Eurostat (« l’outil RME » pour Raw Material Equivalents).

Flux de matières, apparents et en équivalent matières premières (RME), en France, en 2018

Sources : SDES ; Douanes françaises ; Eurostat. Traitements : SDES, 2021

L’empreinte matières recense la quantité de matières primaires mobilisées pour satisfaire la consommation finale d’un pays et intègre à ce titre non seulement les flux directs de matières (la matière contenue dans les produits consommés), mais aussi les flux indirects (la matière non contenue dans les produits mais nécessaire à leur fabrication, intérieure ou importée). Consommation exprimée en « équivalent matières premières », l’empreinte matières (RMC pour Raw Material Consumption) reflète mieux l’impact réel de l’utilisation des ressources que la consommation intérieure « apparente » de matières (DMC pour Domestic Material Consumption). En effet, l’empreinte matières réalloue la charge des matières effectivement extraites aux pays qui les consomment réellement. Ainsi, les matières extraites sur le territoire national qui servent à la production de produits transformés exportés sont réallouées aux exportations, alors qu’elles sont intégrées dans la DMC lorsque seuls sont pris en compte les flux apparents. A contrario, les matières premières extraites à l’étranger pour la production de produits transformés importés par la France sont réallouées aux importations françaises. Par rapport à la DMC, l’empreinte matières intègre donc, en plus, le solde entre les matières utilisées pour la production des produits transformés importés et celles utilisées pour la production des produits transformés exportés.
Une harmonisation des méthodes de calcul existantes est actuellement en cours entre les instances internationales (Organisation de coopération et de développement économiques (OCDE) et UNEP-IRP (
International Resource Panel  Programme des Nations unies pour l’environnement)). À un niveau plus fin, pour un produit donné, l’empreinte matières peut être calculée selon la méthode de l’analyse du cycle de vie (production, utilisation, élimination). Ainsi, d’après le Wuppertal Institut, les 120 grammes que pèse notre téléphone portable auront nécessité en réalité 70 kg de matières.

Analyse

Les combustibles fossiles et les minerais métalliques, très faiblement extraits du territoire national (0,2 % de l’extraction intérieure), sont essentiellement importés, contrairement à la biomasse et aux matériaux non métalliques. Lorsque les quantités de ces matières sont exprimées en équivalent matières premières, c’est-à-dire que les flux indirects sont pris en compte (exemple : combustibles utilisés pour produire l’acier importé), les importations totales apparaissent 2,6 fois plus élevées. Cela alourdit l’empreinte matières, qui est supérieure à la consommation intérieure apparente d’environ 20 %.

La crise de 2008 a particulièrement impacté le secteur de la construction, entraînant une baisse de la mobilisation de minéraux non métalliques (graviers et sables, granulats).

La répartition de l’empreinte matières par grandes catégories de matières reste cependant relativement stable sur la période : forte importance des matériaux de construction qui représentent près de la moitié des matières consommées, environ un quart de biomasse, un cinquième de combustibles fossiles et 10 % de minerais métalliques.

Comparaison internationale

L’empreinte matières française est supérieure à sa consommation apparente, comme pour les pays qui importent davantage de matières premières intégrées dans les produits transformés importés qu’ils n’en exportent (Union européenne, États-Unis, etc.). Le Japon, très fortement dépendant des importations, affiche ainsi une empreinte matières atteignant plus du double du niveau de sa consommation apparente et près de cinq fois son extraction intérieure. Pour d’autres pays (Australie, Russie, Chine, Chili, etc.), la situation est inversée. Ainsi le Chili, pays producteur de matières et notamment de cuivre, a une empreinte matières 2,5 fois inférieure à sa DMC.

Au sein de l’Union européenne, outre pour la France, les données sont disponibles pour l’Allemagne (14,8 t/hab. en 2016), l’Autriche (23,9 t/hab. en 2015), la Lituanie (19,2 t/hab. en 2017), Malte (7,6 t/hab. en 2017), les Pays-Bas (7,4 t/hab. en 2018) et le Portugal (17,1 t/hab. en 2017). La moyenne européenne s’établit à 14,0 t/hab. L’empreinte suisse a atteint 18,1 t/hab. en 2016.

En matière d’évolution, si les pays industrialisés, notamment ceux peu extracteurs, tendent à présenter un certain découplage entre croissance et mobilisation de matières intérieures, c’est en partie le résultat d’un transfert des activités extractives et industrielles vers les pays émergents et/ou en développement. Ceux-ci, peu atteints par la crise en 2008, poursuivent leur croissance et leur rattrapage du niveau de vie des pays occidentaux au travers de leurs consommations et leurs investissements (alimentés par leur démographie) et étendent leur empreinte matières. L’extraction mondiale a triplé depuis 1970. Selon l’International Resource Panel (IRP), si les tendances passées se poursuivent, 180 milliards de tonnes seront extraites en 2050, contre 70 milliards de tonnes en 2010. L’empreinte moyenne mondiale atteindrait près de 20 t/hab., soit le double du niveau actuel.

Pour en savoir plus

 L’empreinte matières, un indicateur révélant notre consommation réelle de matières premières, CGDD/SDES, Datalab Essentiel, avril 2018, 4 p.
 L’empreinte matières de l’économie française : une analyse par matière et catégorie de produits, CGDD/Seeidd, Théma Analyse, novembre 2019, 66 p.
 L’empreinte matières de l’économie française : une analyse par matière et catégorie de produits, Insee, Document de travail, n° G2019/11, novembre 2019, 52 p.
 Construction de matrices de flux de matières pour une prospective intégrée énergie-matière-économie, Ademe, Collection Expertises, Revue de littérature et cadrage méthodologique pour le développement du modèle MatMat, septembre 2020, 78 p.
 Eurostat : MFA – RME flows
 UNEP : IRP, Global Material Flows Database