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La France face aux neuf limites planétaires
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Appauvrissement de l'ozone stratosphérique

Une limite planétaire non franchie, grâce à l'engagement de la communauté internationale

L'ozone est un gaz présent naturellement à l'état de traces dans l'atmosphère et se forme à partir de l'action du rayonnement solaire sur l'oxygène. Sa concentration est plus élevée dans la stratosphère, couche de l'atmosphère située entre 10 et 50 km au-dessus de la surface terrestre environ, avec un maximum entre 20 et 30 km d'altitude. Cette partie de la stratosphère plus concentrée en ozone est communément appelée « couche d'ozone ».

La couche d'ozone joue un rôle essentiel pour les organismes vivants. Elle constitue un filtre de protection face aux rayons ultraviolets du soleil (UVB et UVC) particulièrement nocifs pour la santé humaine (risques de cancers de la peau, maladies oculaires, affaiblissement du système immunitaire) et pour les écosystèmes (ralentissement de la photosynthèse, de la croissance des végétaux et des cultures, baisse de productivité du phytoplancton).

À la suite de réactions chimiques complexes, l'épaisseur de la couche d'ozone varie naturellement en fonction des variations saisonnières de température et d'ensoleillement : elle diminue en hiver et au printemps dans les régions polaires. Dans les années 1980, des chercheurs ont mis en évidence un amincissement sensible, voire une destruction de la couche d'ozone (phénomène de « trou dans la couche d'ozone »), particulièrement prononcé au pôle Sud au-dessus de l'Antarctique, mais également au pôle Nord (Arctique). Ce phénomène est provoqué par l'introduction dans l'atmosphère de substances chimiques contenant des molécules chlorées et bromées. Les substances appauvrissant la couche d'ozone (SAO) sont principalement :

  • les chlorofluorocarbures (CFC), utilisés dans les systèmes réfrigérants et les climatiseurs, comme propulseurs dans les bombes aérosols, comme solvants ;
  • les hydrochlorofluorocarbures (HCFC), utilisés comme substituts des CFC en raison de leur moindre durée de vie dans l'atmosphère ;
  • les halons, utilisés dans les matériels d'extinction des incendies ;
  • le tétrachlorure de carbone (CTC), utilisé pour produire des CFC, pour la synthèse du nylon, comme solvant ou encore comme agent nettoyant ;
  • le trichloroéthane (TCA), utilisé principalement pour fabriquer des polymères fluorés qui servent d'isolants dans la fabrication des batteries au lithium ;
  • le bromure de méthyle, utilisé dans la désinfection des sols contre les ravageurs, et pour la désinsectisation des locaux de stockage de produits agricoles et des infrastructures industrielles.

Dans le cadre des travaux sur les limites planétaires, les chercheurs ont retenu comme variable de contrôle la « concentration d'ozone dans la stratosphère » mesurée en unités Dobson. Une « unité Dobson » (Dobson Unit - DU) est définie comme une couche d'ozone de 0,01 mm d'épaisseur dans des conditions normales de température et de pression de l'atmosphère. La valeur moyenne de la colonne d'ozone est de 300 DU, aussi les chercheurs ont fixé la limite planétaire à 275 DU, soit 95 % de la valeur préindustrielle (290 DU) - (tableau 9).

Tableau 9 : variable de contrôle et limite planétaire pour l'appauvrissement de l'ozone stratosphérique

Variable de contrôle

Limite planétaire

Valeur mondiale

Concentration d'ozone dans la stratosphère mesurée en unités Dobson (DU)

275 DU, soit 95 % de la valeur préindustrielle (290 DU)

285 DU

Source : d'après Steffen et al., 2015

Depuis les années 2000, grâce à une forte mobilisation internationale, la situation de la couche d'ozone s'est stabilisée. Ainsi, la concentration d'ozone dans la stratosphère est estimée depuis lors à 285 DU en moyenne, ce qui signifie que la limite planétaire est respectée. Pour autant, on constate encore localement des valeurs de l'ordre de 200 DU au printemps au-dessus de l'Antarctique.

LES MESURES PRISES POUR RECONSTITUER LA COUCHE D'OZONE

En réaction à la destruction de la couche d'ozone, la communauté internationale a adopté le Protocole de Montréal en 1987, dont l'objectif est de réduire drastiquement la production et la consommation de substances appauvrissant la couche d'ozone (CFC et halons dans un premier temps). C'est le premier traité international signé par l'ensemble des États reconnus par l'ONU. À la suite de sa mise en œuvre, la production et la consommation des CFC ont été très fortement réduites. Depuis 1987, ce protocole a été amendé à cinq reprises afin, notamment, de prendre en compte d'autres substances appauvrissant la couche d'ozone.

Au niveau européen, le Protocole a été complété en 2009 par le règlement31 relatif aux substances qui appauvrissent la couche d'ozone (graphique 16). Ainsi, alors que le Protocole de Montréal régule la production et le commerce de ces substances, le règlement de 2009 interdit la plupart de leurs utilisations. Il définit également un système de quotas et de licences de production, importation, exportation et utilisation de ces substances et produits qui en contiennent ou en dépendent, ainsi qu'un rapportage obligatoire des entreprises concernées.

31 Règlement (CE) n° 1005/2009 du Parlement européen et du Conseil du 16 septembre 2009 relatif aux substances qui appauvrissent la couche d'ozone

Graphique 16 : évolution de la consommation de substances réglementées appauvrissant la couche d'ozone

Notes : la consommation correspond à la production à laquelle sont ajoutées les importations, moins les exportations et moins la destruction ; gaz pris en compte : CFC, halons, CTC (tétrachlorure de carbone), TCA (trichloroéthane), HCFC, HBFC (hydrobromofluorocarbures), BCM (bromochlorométhane), MB (bromure de méthyle).
Sources : Agence européenne pour l'environnement ; Programme des Nations unies pour l'environnement, 2022

La France a cessé sa production de halons en 1994 et celle de CFC en 1995. Toutefois, conformément au règlement relatif aux SAO, des dérogations sont prévues pour certaines utilisations : comme intermédiaires de synthèse, comme agents de fabrication, ou pour des utilisations essentielles en laboratoire et à des fins d'analyse. La hausse de la production de TCA et de CTC à partir de 2018 s'explique par une demande croissante (graphique 17).

Graphique 17 : évolution de la production de substances* appauvrissant la couche d'ozone (SAO) en France

*CFC, halons, CTC, TCA, HCFC.
Note : les CFC regroupent les CFC113, CFC114, CFC115. Les HCFC regroupent les HCFC 22, HCFC 141B et HCFC 142 B. Les CTC correspondent au tétrachlorure de carbone et les TCA au trichloroéthane (méthylchloroforme).
Source : ministère chargé de l'Environnement, 2022. Données rapportées au titre du Protocole de Montréal sur les substances appauvrissant la couche d'ozone

Les CFC ont été remplacés par les HCFC, puis par les hydrofluorocarbures (HFC) qui ne contiennent pas d'atome de chlore, responsable de la dégradation de l'ozone stratosphérique. Malheureusement, les HFC sont de puissants gaz à effet de serre. Ainsi à titre d'exemple, un dégazage dans l'atmosphère de 1 kg de HFC-134 aura le même impact sur le climat que 1 300 kg de CO2 ou qu'un parcours de 10 000 km en berline.

Le Protocole de Montréal a donc été complété par l'Amendement de Kigali en 2016, qui prévoit l'abandon progressif de la production et de la consommation de certains HFC. Le règlement européen n° 2037/2000 prévoit l'arrêt de la production d'HCFC au 1er janvier 2026. Le règlement n° 517/2014 relatif aux gaz à effet de serre fluorés impose une réduction de 79 % des fluides de type HFC entre 2015 et 2030.

En France, la réglementation prévoit un ensemble de règles de certification et de surveillance des équipements tributaires de gaz à effet de serre fluorés (frigidaires, installations de climatisation, etc.). Le ministère chargé de l'Environnement a également mis en place des dispositifs d'aides pour accompagner les entreprises souhaitant utiliser des alternatives aux HFC, dont les prix devraient augmenter du fait de la baisse des quotas européens.

Concernant les HFC, les émissions françaises de HFC ont diminué de 40 % en dix ans, passant d'une estimation de 17 629 kilotonnes de CO2 équivalent par an (kt CO2 e/an) en 2011 à 10 695 kt CO2 e/an en 202132.

Les productions de CFC, de HCFC et de halons sont rapportées par tous les pays auprès du Programme des Nations unies pour l'environnement (PNUE)33. Alors que cette production est devenue quasi nulle, les scientifiques observent depuis 2012 une augmentation inattendue des émissions de trichlorofluorométhane (CFC-11) du côté de l'Asie, probablement due à une production illégale. La vigilance reste donc de mise.

Les perspectives d'évolution de la couche d'ozone

La surveillance régulière de l'évolution de la couche d'ozone s'appuie sur les mesures réalisées par satellites, à bord de ballons et d'avions et par des stations d'observation au sol. D'après la dernière évaluation scientifique de l'appauvrissement de la couche d'ozone (2022) menée conjointement par l'Organisation météorologique mondiale (OMM) et le PNUE, le trou de la couche d'ozone serait en voie de résorption. Dans certaines parties de la stratosphère, elle s'est rétablie à un rythme allant de 1,5 à 2,2 % par décennie à des latitudes moyennes dans les hémisphères Nord et Sud, et de 1,1 à 1,6 % par décennie sous les tropiques, depuis l'an 2000.

La restauration de la couche d'ozone demeure un processus très lent, car les substances chimiques ont une longue durée de vie dans l'atmosphère. Sur la base des politiques actuelles, les modèles prédisent un retour aux niveaux de 1980 approximativement d'ici 2066 au-dessus de l'Antarctique, 2045 au-dessus de l'Arctique et 2040 dans le reste du monde.

Le Protocole de Montréal est ainsi considéré comme un succès majeur en matière de protection de l'environnement mondial. D'autre part, selon le Groupe de l'évaluation scientifique34 du protocole de Montréal, l'amendement de Kigali devrait permettre d'éviter un réchauffement climatique de 0,3 à 0,5 °C d'ici à 2100.

L'enjeu aujourd'hui est de trouver des produits de substitution ayant le moins d'impacts possible et de limiter nos besoins de climatisation par des solutions fondées sur la nature ou moins énergivores, ceci pour à la fois garantir l'intégrité de la couche d'ozone et préserver le système climatique planétaire. Ce premier traité universel, qu'est le Protocole de Montréal, pourrait alors servir d'exemple et ouvrir la voie à de futures négociations sur le climat.

32 Citepa, avril 2022 - Format Secten.
33 Données disponibles sous ozone.unep.org/countries.
34 Auteur d'une évaluation scientifique quadriennale sur l'appauvrissement de la couche d'ozone conformément à l'article 6 du Protocole de Montréal.

Pour aller plus loin