Empreinte carbone : calcul par analyse en cycle de vie ou approche macro-économique ?

Changement climatique
Publié le 02/11/2023
L’empreinte carbone cherche à associer aux biens et services consommés, tous les gaz à effet de serre (GES) engendrés par leur production et leur usage, dont ceux émis à l’étranger. Deux méthodes d’estimation sont utilisées : l’analyse du cycle de vie et la modélisation macro-économique. Ces deux méthodes n’ont pas les mêmes finalités et reposent sur des méthodologies différentes qui ne rendent pas immédiate la comparaison de leurs résultats.

En résumé, les deux approches

Deux principales approches cohabitent pour calculer l’empreinte carbone :

  • les analyses « micro », fondées sur l’analyse en cycle de vie de biens ou de services. Elles permettent d’établir un bilan des émissions de GES de type « Bilan carbone® » en s’appuyant sur des facteurs d’émissions ;
  • la modélisation macro-économique fondée sur l’exploitation de données monétaires internationales qui ont pour finalité d’associer à la demande finale d’un pays (consommation au sens large) des émissions de GES.

Dans les deux cas, l’objectif est d’estimer toutes les émissions de GES associées à la consommation de biens, de services ou à l’exercice d’activités, qu’ils soient produits sur le territoire national ou importés.

Les analyses en cycle de vie (ACV), les facteurs d’émissions et les bilans d’émissions de GES

La norme ISO 14044 définit l’ACV comme ceci : « L’analyse de cycle de vie traite les aspects environnementaux et les impacts environnementaux potentiels (par exemple l'utilisation des ressources et les conséquences environnementales des émissions) tout au long du cycle de vie d'un produit, de l'acquisition des matières premières à sa production, son utilisation, son traitement en fin de vie, son recyclage et sa mise au rebut (à savoir, du berceau à la tombe). »

 

Schéma synthétique du cycle de vie d’un produit

© Source : Ademe (Agence de la transition écologique)

À chacune des étapes du cycle de vie, des GES sont émis, ce que mesure le facteur d’émissions de l’objet étudié. Les facteurs d’émissions de GES transforment ainsi des quantités physiques (par exemple : la masse de matière) ou des données d’activités (par exemple : les kilomètres parcourus) en quantité de GES. Ils sont notamment utilisés pour l’élaboration de bilans d’émissions de GES de type Bilan carbone®.

 

Schéma du calcul des émissions de GES

© Source : SDES

 

La Base empreinte, administrée par l’Ademe (Agence de la transition écologique), présente un très grand nombre de facteurs d’émissions (environ 5 000) qui proviennent d’organismes scientifiques internationaux (Groupe d’experts intergouvernementaux sur l’évolution du climat - GIEC, Agence Internationale de l’énergie…) ou de contributions externes (bureau d’études, ONG, entreprises, universitaires, particuliers…) examinées et validées dans le cadre d’une gouvernance partagée de la Base Carbone®.

 

Exemples de facteurs d’émissions de la Base empreinte de l’Ademe

Biens - Services - Activités Facteur d'émissions Unités
Avion passagers - Court courrier, 2018 - AVEC trainées 0,258 kgCO2e/peq.km
Bois d'oeuvre (construction) fabrication 36,7 kgCO2e/tonne
Livre de 300 g 1,10 kgCO2e/livre
Engrais - azoté moyen 4 795 kgCO2e/tonne de N
Films plastiques PET (pas recyclable) - neuf 5 500 kgCO2e/tonne
Béton - (C25/30CEM II) 88 kgCO2e/tonne
Aluminium - neuf 7 803 kgCO2e/tonne
Ordinateur - portable 156 kgCO2e/unité
Appareil à raclettes 6-8p 16,8 kgCO2e/unité
1 mail avec pièce jointe 0,035 kgCO2e/unité

Note : Kg/CO2e/peq.km = kilogramme de CO2 équivalent par passager pour un km parcouru.
Source : https://base-empreinte.ademe.fr

 

Selon les postes, des facteurs d’émissions sont spécifiques à des régions géographiques ou des usages particuliers. C’est notamment le cas des facteurs d’émissions associés à la consommation d’électricité qui tiennent donc compte des bouquets énergétiques nationaux de production d’électricité.

Les facteurs d’émissions servent au calcul des inventaires d’émissions de GES. Ils constituent des références aux obligations réglementaires de l'article L.229-25 du Code de l'environnement qui prévoit l’établissement de bilans d’émissions de GES pour les entreprises de plus de 500 salariés (250 dans les DOM), les collectivités de plus de 50 000 habitants, les établissements publics de plus de 250 agents et les services de l’État. Les facteurs d’émissions peuvent aussi permettre de répondre à l’article L.1341-3 du code des transports qui impose aux entreprises de transports d’informer l’usager du contenu en GES de son déplacement.

L’empreinte carbone de la France

Calculée par le SDES, l’empreinte carbone de la France est un indicateur actualisé annuellement à des fins d’information environnementale et d’évaluation des politiques publiques nationales (la Stratégie nationale bas carbone en particulier).

Elle est constituée :

  • des émissions directes de GES des ménages (principalement liées à la combustion des carburants des véhicules particuliers et la combustion d'énergies fossiles pour le chauffage des logements) ;
  • des émissions de GES issues de la production intérieure de biens et de services destinée à la demande intérieure (c'est-à-dire hors exportations) ;
  • des émissions de GES associées aux biens et services importés, pour les consommations intermédiaires des entreprises ou pour usage final des ménages.

Le calcul de l’empreinte carbone, s’il n’est pas normé à l’échelle internationale et nationale, associe des émissions de GES ventilées par branches d’activités (comptes d’émissions dans l’air ou comptes AEA (ex-Namea)) aux données macro-économiques (tableaux entrées-sorties issus des comptes nationaux) afin d’exprimer les émissions issues de la production et des importations en fonction de la demande finale intérieure de la France.

Analyse en cycle de vie et émissions de la demande finale intérieure : quelles différences ?

L’approche « micro », privilégiée pour l’élaboration des facteurs d’émissions, et l’approche « macro-économique », standard retenu pour le calcul de l’empreinte carbone d’un pays, ne répondent pas aux mêmes finalités.

Les facteurs d’émissions permettent d’identifier le contenu en GES de nombreux produits et services, information adaptée à l’affichage environnemental ou la construction de bilans d’émissions de GES.

L’empreinte carbone de la demande finale d’un pays est un indicateur global qui vise à compléter les inventaires nationaux en apportant des informations sur les émissions induites par la consommation intérieure.

Pour cette raison, les deux approches présentent un certain nombre de différences méthodologiques qui ne rendent pas immédiate leur comparaison.

Les facteurs d’émissions sont afférents aux biens, aux services ou aux activités considérés alors que l’empreinte carbone de la France affecte les émissions à la demande finale. Un bilan carbone® estime toutes les émissions dont est responsable l’organisation, le territoire, la collectivité ou l’entreprise, et intègre ainsi toute sa « production » et son usage, quel que soit le consommateur final, à la différence de l’empreinte carbone d’un pays qui exclut les émissions associées aux biens et services destinées à satisfaire la demande étrangère (les exportations). Pour retrouver un champ comparable à celui de l’empreinte carbone de la France à partir de facteurs d’émissions, il serait nécessaire de ne considérer que les produits destinés à satisfaire à la demande finale intérieure et exclure ceux utilisés par les activités économiques en consommation intermédiaire (par exemple les ordinateurs des entreprises et administrations).

Par ailleurs, si les facteurs d’émissions sont disponibles pour un très grand nombre de produits, l’empreinte carbone est décomposée en un nombre relativement faible de biens et services (64 postes pour le calcul du SDES). A contrario, cet indicateur permet de distinguer les émissions intérieures des émissions importées, ce qui n’est pas possible avec les facteurs d’émissions.

En mobilisant l’outil « Nos gestes climat » (NGC), l’empreinte carbone d’un Français varie de moins de 5 tonnes de CO2 équivalent par habitant (t/hab) à plus de 15 t/hab selon le niveau de vie, l’âge, le type et la zone de résidence, avec une médiane à 7,3 t/hab (étude Citepa et l’ABC, septembre 2023). L’empreinte carbone de la France ramenée au nombre d’habitants est elle évaluée à 9,3 t/hab (valeur 2019).

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