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L'empreinte matières de la France en 2022 : un indicateur de notre consommation effective de matières premières

Environnement
Publié le 11/04/2025
À l’instar d’autres empreintes comme l’empreinte carbone, l’empreinte matières est un indicateur qui permet de rendre compte de l’ensemble des matières premières mobilisées pour satisfaire la consommation finale d’un pays. Elle reflète l’impact de la demande intérieure de la France sur l’utilisation des ressources extraites du territoire national ainsi que celles mobilisées directement et indirectement hors de nos frontières pour produire et transporter les produits importés. En 2022, elle est estimée à 13,4 tonnes par habitant (t/hab.) en France, au-dessous de la moyenne européenne (15 t/hab.). Entre 2008 et 2022, l’empreinte matières par habitant de la France a diminué de 15 %.

Périmètre et définitions

L’empreinte matières, Material Footprint ou RMC (Raw Material Consumption), comptabilise l’ensemble des quantités de matières premières mobilisées pour satisfaire la consommation finale d’un pays, y compris les flux indirects (matières premières utilisées lors de la production à l’étranger, lors du transport). Cet indicateur est ainsi plus complet que la consommation intérieure apparente de matières pour la France (DMC, Domestic Material Consumption) qui capture les flux physiques visibles, mais n’intègre pas l’ensemble des matières mobilisées pour la fabrication des biens importés, en particulier l’énergie utilisée pour les fabriquer et les transporter jusqu’à la frontière.

Une empreinte supérieure de 20 % à la consommation intérieure de matières

En 2022, la France a extrait sur son territoire 615 millions de tonnes (Mt) de matières premières, soit 9,0 tonnes par habitant (t/hab.). Cette extraction intérieure se compose presque en totalité de minéraux non métalliques (environ 60 %) et de biomasse (près de 40 %).

Elle a baissé de 6 % par rapport à 2021 (646 Mt, soit 11,4 Mt/hab.), du fait du recul de la production de biomasse en France, en particulier la composante agriculture (- 30 Mt) pénalisée par une sécheresse historique et des vagues de chaleur prolongées qui ont significativement réduit les rendements agricoles notamment pour les productions céréalières.

L’extraction intérieure de matières, augmentée des importations (majoritairement des ressources énergétiques fossiles et des minerais métalliques) et diminuée des exportations (notamment des produits agricoles) constitue la consommation intérieure apparente de matières de la France (DMC, Domestic Material Consumption). Celle-ci s’élève à 760 Mt en 2022 (11,2 t/hab.), soit un niveau légèrement au-dessous de celui de 2019 (800 Mt), après la forte baisse liée à la crise sanitaire en 2020 (728 Mt).

Une fois pris en compte l’ensemble des matières premières mobilisées pour la fabrication et le transport des biens importés et exportés, l’empreinte matières (RMC) se situe à 913 Mt (13,4 t/hab.) en 2022. Cette empreinte est supérieure de 20 % à la consommation intérieure apparente de matières, reflétant l’externalisation d’une partie de la production industrielle ou encore la consommation de biens transformés à forte intensité matière.

 

Comparaison entre l’empreinte matières et la consommation intérieure de matières en France en 2022

© SDES

Lecture : la consommation de matières en France s’élève à 11,2 t/hab., tandis que son empreinte matières s’élève à 13,4 t/hab.
Champ : France entière.
Sources : Eurostat (RME tool) ; SDES. Traitements : SDES, 2025

 

Dans la plupart des pays européens, à l’exception des Pays-Bas, de l’Irlande, de l’Estonie et de la Pologne, l’empreinte matières est supérieure à la consommation apparente de matières, reflétant la dépendance de ces économies aux ressources étrangères, notamment pour l’approvisionnement énergétique, ainsi que l’organisation des chaînes de valeur au niveau mondial pour satisfaire la consommation intérieure.

 

Comparaison européenne de l’empreinte matières et de la consommation intérieure des pays en 2022
En tonne par habitant

   

Lecture : la consommation de matières de l’UE (27) s’élève à 14,2 t/hab., tandis que son empreinte matières s’élève à 15 t/hab.
Note : Eurostat (dans la base cei_pc020 - env_ac_mfa) estime l’empreinte de la France à 13,8 t/hab. Ce sont les anciennes estimations, la mise à jour évoquée dans cet article n’est pas encore publiée.
Champ : Union européenne des 27.
Source : Eurostat (cei_pc020 - env_ac_mfa). Traitements : SDES, 2025

Une baisse de 5 % de l’empreinte matières entre 2021 et 2022

En 2022, l’empreinte matières de la France diminue de 5 % par rapport à 2021, passant de 14,4 à 13,4 t/hab. Cette baisse s’explique en quasi-totalité par la diminution de l’extraction agricole de biomasse, sous l’effet du recul de la production céréalière et de la biomasse pâturée liée à la sécheresse, couplée à une baisse des stocks pour maintenir les exportations.

Lors de la crise sanitaire de 2020, l'empreinte matières avait chuté du fait de l’arrêt de l’activité économique et de la réduction des déplacements (849 t soit 13,0 t/hab.) entraînant le net recul de l'utilisation des matières premières, avant un rebond en 2021 qui avait ramené l’indicateur à son niveau d'avant-crise.

Sur le moyen terme, l'empreinte matières baisse tendanciellement, passant de 1 079 Mt (17,4 t/hab.) en 2008, première année de disponibilité de l’indicateur, à 913 Mt (13,4 t/hab.) en 2022, son niveau le plus bas hors 2020.

Cette évolution s’explique notamment par la réduction de l’empreinte des combustibles fossiles
(- 55 Mt entre 2008 et 2022, soit 30 % de la baisse totale toutes matières confondues), en lien avec les efforts entrepris pour limiter la dépendance aux énergies fossiles. De même, l’empreinte matières des minerais non métalliques décroît avec la même ampleur, en lien avec la contraction de l’activité du secteur de la construction après la crise financière de 2008. Depuis 2013, l’empreinte matières ne baisse toutefois que modérément, restant proche de 14 t/hab.

 

Évolutions de la consommation intérieure de matières, de l’empreinte matières et du PIB en France
En base 100 en 2009

Lecture : les valeurs sont exprimées en base 100, ce qui signifie que l'année 2009 sert de référence, et toutes les valeurs des années suivantes sont exprimées par rapport à cette année de base.
Champ : France.
Sources : SDES ; Eurostat (env_ac RME) ; Insee (comptes nationaux – base 2020). Traitements : SDES, 2025

 

 

Évolution de la consommation intérieure de matières et de l’empreinte matières par principales catégories de matières en France
En tonne par habitant

Lecture : en France en 2022, l’empreinte matières s’élève à 13,4 t/hab. dont 2,9 t/hab. de biomasse, 1,7 t/hab. de minerais métalliques, 6,4 t/hab. de minéraux non métalliques et 2,5 t/hab. de combustibles fossiles. La consommation apparente de matières est de 11,2 t/hab. cette même année.
Champ : France.
Sources : SDES ; Eurostat (RME tool). Traitements : SDES, 2025

Une empreinte sous la moyenne européenne mais 37 % au-dessus de la mondiale

L’UNEP-IRP* calcule des empreintes matières par pays pour l’ensemble des pays du monde selon une méthodologie légèrement différente de celle d’Eurostat, ce qui conduit à une empreinte matières de la France supérieure (17,3 t/hab. pour la France en 2022, contre 13,4 t/hab. selon Eurostat). Ces estimations présentent toutefois l’intérêt de positionner la France par rapport aux pays non-européens.

Au niveau mondial, l’empreinte matières est fortement tirée par les pays développés. En 2022, la France affiche une empreinte matières 37 % au-dessus de la moyenne mondiale (12,6 t/hab.). À titre de comparaison, l’Inde atteint 5,0 t/hab., la Russie 12,3 t/hab., tandis que la Chine dépasse 20 t/hab. L’Australie se situe au niveau le plus élevé (31,6 t/hab.) juste devant les États-Unis (31,2 t/hab.).
 
* United Nations Environment Programme - International Resource Panel, groupe international d’experts sur les ressources du programme pour l’environnement de l’Organisation des Nations Unies.

 

Comparaison internationale de l’empreinte matières et de la consommation intérieure
En tonne par habitant

Note : les calculs de l’UNEP ne donnent pas les mêmes résultats qu’Eurostat pour la DMC et l’empreinte matières des pays européens.
Sources : International Resource Panel, Global Material Flows Database, 2025. Traitement : SDES, 2025

 

Si les pays développés tendent à découpler partiellement leur croissance économique de la consommation de matières premières, l’empreinte matières des pays en développement et des BRICS (Brésil, Russie, Inde, Chine et Afrique du Sud) a fortement augmenté depuis les années 1990, en raison de leur rattrapage en matière de niveau de vie et de leur dynamique démographique.

L’extraction mondiale a ainsi plus que triplé depuis 1970 et continue de s’accroître. D’après les projections de l’UNEP-IRP, si les tendances passées se poursuivent, l’empreinte matières moyenne mondiale pourrait atteindre près de 20 t/hab. en 2050, soit le double du niveau actuel.

Illustration des quantités de matières premières d’un bien : le cas du smartphone

L’empreinte matières des appareils électroniques, comme les smartphones, met en évidence les quantités considérables de matières premières nécessaires à leur production. Elle peut être évaluée à l’aide de la méthode d’analyse du cycle de vie, qui prend en compte les phases de fabrication, d’utilisation et d’élimination, à l’image de l’empreinte carbone.

D’après l’Ademe, la fabrication d’un smartphone de 150 g requiert 70 kg de matières premières. Cette phase représente 97 % des émissions de gaz à effet de serre (GES) associées à l’ensemble du cycle de vie de l’appareil.

 

Empreinte matières d’un smartphone

© SDES

Source : étude Ademe/ARCEP 2022, base empreinte Ademe

Méthodologie

Consulter la notice méthodologique expliquant le cadre conceptuel et les définitions utilisées dans le cadre des comptes macroéconomiques de flux de matières.

Auteure : Lise COLARD, SDES

Données

Données associées à la publication sous forme de tableaux et graphiques.

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