Les zones humides en France - Synthèse des connaissances en 2022

Environnement
Publié le 08/12/2022
À l’interface des milieux terrestres et aquatiques, les zones humides sont des milieux dont le facteur déterminant commun est l’eau (douce, salée ou saumâtre) qui est retrouvée de façon permanente ou temporaire. De nombreuses plantes hygrophiles, lorsqu’elles existent, affectionnent ces milieux toute une partie de l’année. D’une richesse et d’une grande diversité, les zones humides accueillent de multiples espèces qui viennent se reposer, se nourrir ou se reproduire sur ces milieux dont elles dépendent.

Étendue et types de zones humides

À l’heure actuelle, aucun inventaire national ne permet d’évaluer de manière précise et parfaitement exhaustive la surface des milieux humides et aquatiques continentaux sur l’ensemble du territoire français métropolitain et ultramarin.

Les travaux cartographiques les plus récents (2014, en cours d’actualisation) estiment que les milieux potentiellement humides couvrent environ 23 % du territoire métropolitain, soit près de 13 millions d’hectares.

Zones tampons entre le milieu aquatique et terrestre, les zones humides revêtent différents aspects : prairies, tourbières, marais, forêts alluviales, mares, rives des étangs et des cours d’eau dans la mesure où elles n’ont pas été domestiquées par l’Homme.

Des zones humides essentielles à la biodiversité et aux activités humaines

Lorsque les conditions générales de conservation le permettent, les zones humides fournissent de multiples services utiles aux équilibres naturels et aux activités humaines (rétention des crues, épuration de l’eau, réservoir de biodiversité, stockage de carbone, etc.). Leur existence présente un bénéfice de biens et services marchands pour les usagers qui se traduit, par exemple, par l’exploitation de ressources naturelles telles que les poissons ou encore, par le passé, la tourbe. S’ajoutent à cela d’autres services (valeurs récréatives, culturelles, patrimoniales, éducatives, esthétiques, scientifiques, etc.). Selon les référents interrogés dans le cadre de l’évaluation nationale des sites humides emblématiques, 86 % des sites évalués fournissaient des services d'approvisionnement, de régulation, culturels et de loisirs en 2020.


En France métropolitaine, ces territoires vulnérables accueillent 30 % des espèces rares ou menacées, la totalité des amphibiens, la moitié des oiseaux ou encore le tiers des espèces végétales remarquables. Le dernier suivi Wetlands International  met en lumière cette forte dépendance. Entre 1980 et 2022, la présence des oiseaux d’eau hivernants réguliers (cygnes, oies, canards, plongeons, ardéidés, grèbes, rallidés et limicoles), comptabilisée sur les 533 principales zones humides françaises, a progressé de 131 %.


En plus d’être considérées comme les principaux réservoirs de biodiversité, les zones humides jouent un rôle dans la purification de l’eau qu’elles filtrent avant qu’elle n’atteigne les aquifères. On estime que leur pouvoir épuratoire permet à la société d’économiser annuellement 2 000 €/ha sur le traitement de l’eau potable. Identifiées parmi les milieux les plus productifs biologiquement, elles jouent également un rôle essentiel dans l’approvisionnement des sociétés en fournissant des produits alimentaires issus de la pêche (poissons, huîtres, moules, coques, etc.), de l’agriculture (bovins, ovins, pâturages, riz, céréales, roseaux, joncs, etc.) et de la chasse. En France, les biens prélevés dans les milieux humides et aquatiques continentaux, principalement des poissons, représentent une valeur commerciale de l’ordre de 240 millions d’euros (étude Efese).


Parmi ces zones humides, les tourbières revêtent une importance particulière qu’il convient de préserver. Bien qu’elles ne couvrent aujourd’hui que 3 % de la surface de la Terre, elles stockent plus du double de carbone que toutes les forêts de la planète. Au même titre que les mangroves, herbiers marins et marais littoraux, elles participent ainsi grandement à l’atténuation de certains effets des changements climatiques.

Des milieux menacés

Dans le monde, 87 % des zones humides présentes au XVIIIe siècle sont aujourd’hui perdues. La part de leur surface disparaît trois fois plus vite que celle de la déforestation. En France, on estime qu’environ la moitié des zones humides ont disparu entre 1960 et 1990 (urbanisation, drainages de terres). Depuis 1990, la reconnaissance des différents intérêts que peuvent revêtir ces milieux a permis un ralentissement de cette régression.


Interrogés dans le cadre de la dernière évaluation nationale des sites humides emblématiques sur la dynamique observée, les acteurs de terrain estiment que 4 % des sites humides emblématiques en France ont vu leur état se dégrader entre 2010 et 2020. Les sites de plaines intérieures et de vallées alluviales sont particulièrement concernés par cette tendance défavorable (respectivement 53 % et 49 % des sites en état dégradé ces dix dernières années) – (graphique 1).


Graphique 1 : proportion des sites humides emblématiques, par grand type, suivant l’évolution de l’état de leurs milieux humides, entre 2010 et 2020

En %

_ - © SDES

Note : N = nombre de zones humides évaluées ; un état stable désigne un état dont les caractéristiques structurales du milieu et sa dynamique ne varient pas d'une période à l'autre. Pour autant, il peut comptabiliser des milieux dégradés qui n'évoluent pas
Traitements :
SDES, 2020

Source : SDES/OFB - Évaluation nationale des sites humides emblématiques 2010-2020.

 

La dernière évaluation de la directive Habitats-Faune-Flore (période 2013-2018) confirme ces dires d’experts. Sur les 422 espèces et habitats remarquables des écosystèmes humides et aquatiques évalués, 15 % étaient dans un état de conservation favorable (38 % dans un état de conservation mauvais) – (graphique 2). La flore des milieux humides est particulièrement impactée (cas des sphaignes dans la région continentale, des lycopodes et des aches dans les régions continentales et atlantiques). En 2020, d’après la dernière évaluation décennale, seuls 46 % des sites humides emblématiques évalués avaient à la fois leurs espèces de faune et de flore protégées en bon ou très bon état en 2020.

 

Graphique 2 : état de conservation des espèces et habitats remarquables sélectionnés pour les écosystèmes humides et aquatiques, entre 2013 et 2018

En %

_ - © SDES

Note : analyse faite à partir de 422 évaluations (espèces et habitats) portant sur les écosystèmes humides et aquatiques.
Traitements : PatriNat ; SDES
Source : PatriNat (AFB-CNRS-MNHN), 3e rapportage DHFF, 2019.

 

Ces milieux sont confrontés à de multiples menaces. Ainsi, dans 89 % des sites humides emblématiques enquêtés dans le cadre de la dernière évaluation nationale, les dégradations constatées entre 2010 et 2020 sont considérées comme étant liées, au moins pour partie, au changement climatique. Les activités humaines génèrent par ailleurs des pressions qui peuvent affecter la qualité des milieux, leur fonctionnement naturel et la biodiversité.


En 2020, chaque site humide emblématique évalué subissait en moyenne les pressions de 14 activités humaines (15 en métropole et 7 en outre-mer). Le tourisme et les activités de loisirs sont ainsi des activités omniprésentes (90 % des sites). Les pratiques agricoles dominent également avec le pâturage (87 %). La création de voies de communication (65 %) et l’urbanisation (60 %) font également partie des pressions fréquemment rencontrées, notamment sur les sites du littoral et les vallées alluviales. La présence croissante d’espèces exotiques envahissantes contribue aussi à l’érosion des écosystèmes humides : entre 2010 et 2020, 86 % des sites humides emblématiques de métropole et d'outre-mer ont été concernés par au moins une espèce exotique envahissante (87 % en métropole et 80 % en outre-mer).

Une meilleure information sur la richesse de ces milieux favorise leur protection

De nombreuses mesures existent aujourd’hui et participent à la conservation et à l’utilisation rationnelle des zones humides comme écosystème important à la fois pour la biodiversité et le bien-être des sociétés humaines.


Les outils nationaux et européens (parcs nationaux, réserves naturelles, arrêtés de protection, Natura 2000) ou encore la Convention Ramsar, traité international adopté en 1971, participent à cet effort de préservation de ces milieux remarquables. Sur les 2 454 sites Ramsar labellisés dans le monde (1 125 en Europe), la France en a désigné 52 pour une surface de plus de 3,8 millions d’hectares (3 fois la région Île-de-France), le Pinail (département de la Vienne) étant le dernier site à avoir été désigné (22 octobre 2021). La restauration des zones humides au travers d’opérations de gestion, définies dans ou hors plan de gestion, permet à ces milieux de retrouver leur capacité de stockage de l’eau ou du carbone.


À titre d’exemple, en 2022, sur les 88 086 hectares de mangroves sous juridiction française, 57 % font l’objet de mesure de conservation et parmi elles, 62 % sont protégées (graphique 3).

 

Graphique 3 : part de mangroves protégées en outre-mer, en 2022
En ha

_ - © SDES

Champ : ensemble des Outre-mer hors Polynésie française (mangroves introduites).
Traitements : SDES, juin 2022.
Source : Pôle-relais zones humides tropicales, 2022.

 

L’essor des sciences participatives qui permettent au citoyen de se sentir acteur dans la préservation des zones humides et le renforcement des actions de sensibilisation du grand public au travers de grands événements, tels que la Journée mondiale des zones humides, la Fête des mares ou encore Fréquence Grenouille (nombre d'animations sur les zones humides multipliées par 6 entre 2004 et 2021) contribuent à une prise de conscience collective de ces enjeux (graphique 4).

 

Graphique 4 : animations proposées dans le cadre des trois principaux événements annuels
En nombre

_ - © SDES

Note : alors qu’en année normale, la quasi-totalité des animations proposées ont bien lieu, en 2020 en raison de la pandémie, beaucoup ont été annulées. Dans le cadre de la Fête des mares, sur un échantillon de 18 animations ayant fait l’objet d’un retour, seules 12 ont eu lieu.   
Traitements : SDES, avril 2022.
Source : Ramsar-France : Journée mondiale des zones humides ; SNPN : Fête des mares ; FCEN : Fréquence Grenouille.

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Fiches thématiques pour dresser le bilan environnemental de la France

Cet article fait partie de la publication « Bilan environnemental de la France – Édition 2022 » qui propose une vue d'ensemble des dépenses de protection de l’environnement, ainsi qu’un aperçu de l’état des écosystèmes et des interactions entre l’environnement et l’économie.

Ces fiches thématiques abordent les grands enjeux et l’état des connaissances des principaux domaines environnementaux : milieux naturels, exposition aux risques, économie verte, consommation de matières, émissions de gaz à effet de serre, énergies renouvelables, etc.

Ce panorama, au travers d’indicateurs physiques et monétaires, mobilise de nombreuses sources et met en perspective les évolutions récentes sur ces domaines.

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