Les mesures de limitation des prélèvements d’eau sont établies après concertation par arrêté préfectoral. Elles sont définies pour une zone de gestion : bassin versant pour les cours d’eau, nappe ou portion de nappe pour les eaux souterraines. Un département compte généralement plusieurs zones de gestion. Les mesures sont adaptées aux différents utilisateurs : ménages, agriculteurs, industries, etc.
Quatre niveaux de limitation sont mis en œuvre progressivement selon la sévérité de l’épisode de sécheresse constatée : vigilance, alerte, alerte renforcée, crise. Le niveau « vigilance » sert à informer et inciter les particuliers et les professionnels à économiser l’eau. Les niveaux d’alerte et alerte renforcée exigent de réduire tous les prélèvements et interdisent les activités impactant les milieux aquatiques. Jusqu’à 50 % d’économies d’eau peut être exigée. Lorsque le niveau de crise est déclenché, des interdictions sont appliquées pour préserver les usages prioritaires : santé, sécurité civile, eau potable, salubrité. Les prélèvements d’eau pour l’agriculture sont alors interdits totalement ou partiellement.
Plus de 80 départements concernés par des restrictions d’eau
Chaque année, depuis 2015 hormis en 2021, des limitations des usages de l’eau pouvant concerner à la fois les eaux de surface (cours d’eau, canaux, lacs et étangs, etc.) et celles provenant des nappes souterraines, sont observées au cours de l’été dans plus de 50 % des départements métropolitains. L’année 2023 ne fait pas exception.
L’été 2023 débute avec des nappes d’eau souterraines insuffisamment réalimentées au cours des saisons précédentes et des cours d’eau pour la plupart en déficit d’écoulement. Ni les excédents de précipitation des mois de mai puis de juin, alternativement au nord et au sud du pays, ni l’apport pluvieux et les faibles températures des mois de juillet et août, n’ont permis de compenser la faiblesse des apports antérieurs.
Cette situation conduit à une généralisation des arrêtés de restrictions des usages de l’eau durant la période estivale et l’automne, en particulier sur le pourtour méditerranéen, en raison du déficit persistant de précipitation auquel ce territoire fait face depuis plusieurs années.
Dès le printemps 2023, la prise d’arrêtés préfectoraux de restrictions des usages de l’eau concerne plus de 20 départements puis elle s’accélère à partir de la dernière semaine de mai. Les restrictions au-delà du niveau « vigilance » concernent 72 départements au 15 juillet 2023, soit 75 % des départements métropolitains. Cette proportion atteint 80 % le 15 août, puis 87 % le 15 septembre. Les mois de septembre et d’octobre ayant été exceptionnellement chauds, les restrictions se poursuivent en octobre malgré un mois pluvieux : des restrictions demeurent ainsi en vigueur dans plus de 80 départements.
Des restrictions de crise, limitant fortement et interdisant les usages de l’eau non prioritaires, sont mises en place en juillet 2023 dans 24 % des départements métropolitains et dans plus de 50 % de fin août à fin septembre. Ces mesures de crise s’appliquent dans 23 départements au 15 juillet, 39 départements au 15 août et 53 départements au 15 septembre.
Évolution du nombre de départements touchés par des arrêtés de restrictions des usages de l’eau durant l’été, tous niveaux hors vigilance et niveau crise
En nombre
Lecture : au 15 septembre 2023, 84 départements sont concernés par au moins un arrêté préfectoral de restrictions des usages de l'eau au-delà du niveau « vigilance », dont 53 au niveau « crise ».
Notes : nombre de départements concernés par au moins un arrêté préfectoral de restrictions des usages de l'eau au-delà du niveau « vigilance » dont nombre affecté par le niveau « crise ». De 2002 à 2011 : à la date du bulletin de situation hydrologique du mois ; à partir de 2012 : au 15 du mois cité.
Champ : France métropolitaine.
Source : VigiEau, ministère en charge de l'écologie. Traitements : SDES, 2024
Eaux superficielles : 64 % du territoire concerné par des restrictions
La part du territoire métropolitain touché quotidiennement par les restrictions d’eau renseigne sur l’ampleur de l’épisode de sécheresse subi et le niveau des limitations appliquées informe sur l’intensité du phénomène. Quel que soit le niveau de restriction, les limitations de prélèvements d’eau affectent moins les nappes d’eau souterraines que les cours d’eau, les lacs et les plans d’eau (eaux superficielles).
Bien qu’en 2023, les cours d’eau et les nappes ont majoritairement bénéficié de plus de précipitations que l’année précédente, les apports en automne et en début d’hiver ont été insuffisants pour les cours d’eau, entraînant sur quelques secteurs du territoire la poursuite des restrictions début 2023 ou leur déclenchement précoce.
Ainsi, des mesures d’alerte renforcée ont été appliquées chaque jour dans au moins une zone de gestion des eaux superficielles (contre 289 jours en 2022) et des mesures de crise ont été déployées pendant 287 jours (contre 239 en 2022).
Alors que fin mai 2023, moins de 10 % de la France métropolitaine était couverte par des restrictions des usages de l’eau superficielle au-delà du niveau vigilance, celles-ci s’appliquent sur plus d’un tiers du territoire de mi-juillet à fin octobre.
C’est en septembre et en octobre que l’étendue et l’intensité des restrictions culminent, avec plus de 60 % du territoire concerné sur une période de 39 jours consécutifs. Le maximum est atteint en septembre avec 64 %, se répartissant en 26 % du territoire avec des mesures de crise, 20 % avec des mesures d’alerte renforcée et 18 % avec des mesures d’alerte.
La gestion de la sécheresse en 2023 est similaire à celle de l’année 2019, du point de vue du calendrier de la prise d’arrêtés, de l’étendue et de la sévérité des restrictions.
La superficie de la France métropolitaine concernée par des mesures de crise est en revanche bien moindre que celle de 2022 qui atteignait 50 % fin août, contre 26 % en septembre 2023.
Évolution journalière de la part du territoire concerné par des restrictions des usages de l’eau superficielle de 2012 à 2023
En %
Lecture : en 2022, début septembre les mesures de restriction des usages de l’eau s’appliquent à 86 % du territoire hexagonal : 50 % du territoire est concerné par des mesures de crise, 23 % par des mesures d’alerte renforcée et 13 % par des mesures d’alerte.
Notes : la superficie du territoire métropolitain est de 550 000 km². Les résultats présentés ne tiennent pas compte de la superposition possible des zones de gestion des eaux superficielles et des eaux souterraines.
Champs : France métropolitaine, eaux superficielles (cours d’eau, plans d’eau...).
Source : VigiEau, ministère en charge de l'écologie. Traitements : SDES, 2024
Eaux souterraines : 19 % du territoire concerné par des restrictions
Les restrictions de prélèvements dans les nappes d’eau souterraine se concentrent de mi-juillet à fin octobre 2023. Durant cette période, elles touchent plus de 10 % du territoire métropolitain (contre 24 % en 2022).
Le maximum de 19 % est atteint lors de la dernière décade de septembre : 4 % du territoire avec des mesures de crise, 8 % avec des mesures d’alerte renforcée et 7 % avec des mesures d’alerte.
Comme pour les cours d’eau, le manque de précipitations en automne et en hiver a également conduit à des déclenchements précoces de restrictions pour quelques nappes d’eau souterraines, certaines ayant débuté mi-janvier.
De ce fait, des mesures de restriction des usages de l’eau souterraine ont été en vigueur dans au moins une zone de gestion pendant 352 jours, dont 251 jours de mesures de crise (contre respectivement 288 jours et 229 jours en 2022). Pour 21 zones de gestion, les limitations d’utilisation des eaux souterraines sont restées en vigueur jusqu’à la fin de l’année.
Pour les eaux souterraines, la sécheresse de 2023 est ainsi l’une des deux plus importantes après 2022. Au regard du nombre total de jours de restrictions, de la période où s’appliquent les restrictions les plus sévères et de l’étendue maximale des restrictions de crise, sa gestion est comparable à celle de l’année 2017. La sécheresse semble toutefois plus intense, avec des restrictions de niveau alerte renforcée déployées sur une plus grande partie du territoire métropolitain.
Évolution journalière de la part du territoire concerné par des restrictions des usages de l’eau souterraine de 2012 à 2023
En %
Lecture : en 2022, début septembre, les mesures de restriction des usages de l’eau s’appliquent à 23 % du territoire métropolitain : 14 % du territoire est concerné par des mesures de crise, 2 % par des mesures d’alerte renforcée et 7 % par des mesures d’alerte.
Notes : la superficie du territoire métropolitain est de 550 000 km². Les résultats présentés ne tiennent pas compte de la superposition possible des zones de gestion des eaux superficielles et des eaux souterraines.
Champs : France métropolitaine, eaux souterraines.
Source : VigiEau, ministère en charge de l'écologie. Traitements : SDES, 2024
Les restrictions de crise durent en moyenne 64 jours pour l’eau superficielle
La durée et l’intensité des restrictions sur une zone de gestion renseignent sur l’importance de l’épisode de pénurie d’eau subi. L’évolution annuelle informe sur la fréquence des restrictions par territoire.
Sur la période 2015-2023, chaque année hormis 2021, des mesures de limitation des prélèvements d’eau superficielle sont appliquées sur le territoire métropolitain sur plus d’un tiers de sa superficie. L’année 2022 est une année exceptionnelle par l’étendue géographique, la durée et la sévérité des restrictions, alors que l’année 2014 est la moins impactée. L’ampleur de la sécheresse de l’année 2023 reste importante.
Des mesures de crise, entrainant l’interdiction de certains usages de l’eau, sont également déclenchées chaque année. Sur la période 2012-2023, les années 2017, 2019, 2020, 2022 et 2023 sont celles où ces crises ont été à la fois les plus étendues et ont duré le plus longtemps. Ainsi, des mesures de crise ont été mises en œuvre sur 30 % du territoire métropolitain en 2019, 55 % en 2022 et 34 % en 2023.
Durée annuelle des restrictions selon leur niveau pour les zones de gestion des eaux superficielles de 2012 à 2023
Note : nombre de jours de limitations des usages de l’eau selon le niveau de restriction (alerte, alerte renforcée ou crise).
Champs : France métropolitaine, eaux superficielles.
Source : VigiEau, ministère en charge de l'écologie.Traitements : SDES, 2024
Au cours de l’année 2023, des mesures de limitation des prélèvements d’eau sont prises pour 1 229 zones de gestion des cours d’eau, couvrant 82 % du territoire métropolitain, contre 97 % en 2022 et 25 % en 2021.
Elles sont d’intensité et de durée variables : 294 zones de gestion demeurent uniquement en alerte, 347 atteignent le niveau d’alerte renforcée sans déclencher de crise, et 588 atteignent le niveau maximum de crise. L’ensemble de ces zones représente respectivement 23 %, 25 % et 34 % de la France métropolitaine.
Le niveau de crise dure en moyenne 64 jours, et perdure au-delà de deux mois sur 16 % du territoire. La Corse, la Bretagne, la Normandie et les Hauts-de-France sont les régions qui sont le moins concernées par les restrictions en 2023, suivies d’une partie de la Nouvelle Aquitaine et de Provence-Alpes-Côte d’Azur, en particulier les départements montagnards.
7% du territoire concerné par une restriction de crise pour l’eau souterraine
En 2023, des mesures de limitation de prélèvements, tous niveaux confondus, s’appliquent à 282 zones de gestion des nappes d’eau souterraine, réparties sur tout le territoire hormis la Corse. La superficie concernée représente 23 % de la France métropolitaine, contre 27 % en 2022.
Le niveau de crise est déclenché dans 104 zones de gestion, réparties sur tout le pays et représentant 7 % du territoire métropolitain. Il est appliqué en moyenne 63 jours. La moitié nord de la Nouvelle Aquitaine est particulièrement concernée. Le quart sud du territoire est moins impacté, mais les restrictions y sont plus longues. Pour 48 zones de gestion couvrant 2 % du territoire métropolitain, les restrictions de crise durent au moins deux mois.
Durée annuelle des restrictions selon leur niveau pour les zones de gestion des eaux souterraines de 2012 à 2023
Note : nombre de jours de limitations des usages de l’eau selon le niveau de restriction (alerte, alerte renforcée ou crise).
Champs : France métropolitaine, eaux souterraines.
Source : VigiEau, ministère en charge de l'écologie.Traitements : SDES, 2024
Fréquence des restrictions de niveau crise
Certaines zones de gestion de l’ouest et du sud-ouest sont affectées chaque année sur la période 2012-2023 par des restrictions de crise. Depuis 2015, ces périodes de crise durent au moins deux mois, ce qui montre la vulnérabilité de ces territoires par rapport à la disponibilité de l’eau.
Fréquence des épisodes annuels de restriction de niveau « crise » des usages de l’eau superficielle d’une durée de plus d’un mois sur la période 2012-2023
Source : VigiEau, ministère en charge de l'écologie. Traitements : SDES, 2024
Les nappes d’eau souterraine sont beaucoup moins fréquemment soumises à des restrictions de pompage et les mesures de crise sont rares.
En revanche, les limitations sur une même zone de gestion peuvent durer plus longtemps que pour les eaux superficielles et perdurer d’une année sur l’autre. Les secteurs les plus fréquemment soumis à des restrictions de crise se situent en Île-de-France et dans les Pays de la Loire.
Fréquence des épisodes annuels de restriction de niveau « crise » des usages de l’eau souterraine d’une durée de plus d’un mois sur la période 2012-2023
Source : VigiEau, ministère en charge de l'écologie. Traitements : SDES, 2024
Auteure : Valérie DOSSA-THAUVIN, SDES
Données
Données détaillées des graphiques